Lorsqu’une vente a été consentie sous condition suspensive du non exercice du droit de préemption urbain, la condition est réalisée par l’effet de l’annulation rétroactive de la décision de préemption. Le bénéficiaire doit avoir levé l’option dans le délai, sinon il ne peut solliciter l’annulation de la vente consentie à un tiers.
Dans cette affaire, une société avait promis à un particulier de lui vendre un immeuble. Cette promesse, souscrite par acte sous seing privé, avait été consentie pour une certaine durée, laquelle devait expirer le 24 septembre 2003, soit quatre mois après sa signature. Et comme bien souvent, cette promesse avait été consentie sous la condition suspensive du non exercice par leurs titulaires respectifs du droit de préemption.
Pourtant, dans le délai, la commune dans laquelle l’immeuble était situé a décidé de faire usage de son droit de préemption, ce qui correspondait à une défaillance de la condition, la promesse aurait du être considérée comme caduque une des conditions suspensives ne s’étant pas réalisée. C’était cependant sans compter sur le bénéficiaire qui saisit le tribunal administratif pour contester la décision de préemption. D’autant qu’une telle action n’empêcha pas la commune de conclure la vente, par acte authentique du 27 novembre 2003, puis de céder immédiatement l’immeuble objet du litige.
La présente affaire n’aurait rien de particulier si le bénéficiaire n’avait pas eu gain de cause devant le tribunal administratif. Dès lors, il sollicita, devant les juridictions civiles, l’annulation des ventes conclues au mépris de la promesse unilatérale de vente estimant, pour l’essentiel, que « la décision de préemption du bien prise par la collectivité publique avait été irrévocablement annulée (…) et était réputée n’être jamais intervenue « . Débouté par la cour d’appel, il ne fut pas plus entendu par la Cour de cassation.
D’une part, la Cour de Cassation a reconnu qu’il doit être considéré que la condition suspensive du non exercice du droit de préemption s’est réalisée. En effet, la décision de préemption a été rétroactivement annulée. Il faut donc imaginer que rien ne s’est passé. Or, s’agissant d’un fait négatif, la condition est réalisée si « le délai prévu au contrat s’est écoulé sans que ce fait se soit réalisé » (Flour, Aubert et Savaux, op. cit., n° 284, p. 210). Le contrat de promesse unilatérale était donc valable.
Cependant, encore faut-il, d’autre part, pousser la logique de ce « retour à l’état antérieur » jusqu’au bout. La cour d’appel avait relevé que le bénéficiaire de la promesse n’avait pas, pour autant, levé l’option, ce qui revenait à considérer que la promesse était devenue caduque.
Dans ces conditions, le bénéficiaire ne disposait d’aucun droit à l’annulation des ventes intervenues. En d’autres termes, et à contrario, si le bénéficiaire avait levé l’option, celui-ci aurait alors eu le droit de solliciter la nullité de la vente consentie par la suite.
Ainsi, c’est à juste titre que la cour d’appel avait estimé qu' »il lui appartenait de préserver les droits qu’il tirait de la promesse de vente« . Celui-ci ne peut d’ailleurs prétendre avoir levé implicitement l’option, en prétextant de ce que la saisie des juridictions administratives équivaudrait à celle-ci. De plus, en l’espèce la saisine des juridictions administratives est survenue quelques temps après l’écoulement du délai d’option, c’est-à-dire le 4 novembre 2003.
En de pareils hypothèses, le bénéficiaire de la promesse devra lever l’option et procéder à son recours administratif dans un deuxième temps pour obtenir l’annulation de la préemption.
Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 22 septembre 2010 n° 09-14817