Quelle que soit la durée du bail dérogatoire ou du maintien dans les lieux, si le preneur reste et est laissé en possession au-delà du terme contractuel, il s’opère un nouveau bail commercial dont l’effet est régi par les articles L. 145-1 et suivants du code de commerce.
La Cour de cassation a statué sur une question récurrente des professionnels de l’immobilier:quel est le sort réservé au bail dérogatoire conclu au visa de l’article L. 145-5 du code de commerce au-delà de son terme contractuel.
En l’espèce, le 14 juin 2010, les parties avaient conclu un bail dérogatoire de quatre mois. Le locataire s’était pourtant maintenu dans les lieux et avait délivré congé pour le 15 avril 2012, la libération des lieux et la remise des clés intervenant avant le deuxième anniversaire de la prise d’effet du contrat.
Le bailleur a alors assigné son cocontractant en paiement des loyers et des charges échus postérieurement au terme du bail dérogatoire.
Il a obtenu gain de cause en appel (Paris, 24 juin 2016, n° 14/11971), le juge du fond estimant qu’à l’issue du bail dérogatoire de quatre mois (le 14 oct. 2010), le locataire était lié par un bail statutaire.
Au soutien de son appel, le preneur a fait principalement valoir que le statut des baux commerciaux ne pouvait s’appliquer, puisqu’il n’était pas resté et n’avait pas été laissé en possession à l’expiration du délai légal de deux ans suivant la conclusion du premier bail dérogatoire. Il revendiquait par conséquent l’application de l’article 1738 du code civil qui, réglant le sort des baux écrits expirés, prévoit la conclusion d’un nouveau bail à durée indéterminée régi par les dispositions du seul code civil.
Ses arguments sont rejetés par la haute juridiction qui décide que, quelle que soit la durée du bail dérogatoire ou du maintien dans les lieux, si le preneur reste et est laissé en possession au-delà du terme contractuel, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est régi par les règles statutaires.
En l’occurrence, le « terme contractuel » du bail dérogatoire litigieux était nécessairement de quatre mois puisque, ainsi que cela ressort de l’arrêt d’appel et du moyen du pourvoi, « les parties [avaient] entendu contracter pour une durée de quatre mois, de manière irrévocable, sans que cette durée [puisse être] prorogée ou révoquée ». Le bail dérogatoire n’a ainsi pas pu être tacitement reconduit.
En définitive, aujourd’hui encore plus qu’hier, il semble hautement souhaitable « de prévoir une reconduction automatique du bail dérogatoire dans la limite de la durée maximale de trois ans ».
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 8 juin 2017 n°16-24045