Pour la Cour d’appel de Douai, la perte de la chose louée s’applique également en cas de perte juridique si le preneur est dans l’impossibilité même temporaire de jouir de la chose louée ou d’en faire un usage conforme à sa destination, notamment à la suite de dispositions légales ou réglementaires ou d’une décision administrative.
Jusqu’à présent plusieurs juridictions ayant statué sur le fond ont rejeté la théorie de la perte de la chose louée concernant la fermeture administrative ordonnée par l’Etat français pendant les périodes de crise sanitaire (Cour d’appel de Versailles 6 mai 2021 n°19/08848 , TJ Quimper 8 juin 2021 n°20/01114, TJ Paris 26 octobre 2021 n°20/06292, TJ Paris 28 octobre 2021 n°16/13087)
La Cour d’appel de Douai ne s’est pas joint à cette analyse et a fait une analyse opposée. Pour elle, l’article 1722 du Code civil permettant au preneur à bail commercial de solliciter une réduction du loyer en cas de destruction totale ou partielle du local, n’est pas limité à une perte matérielle de la chose louée, mais s’applique également en cas de perte juridique, si le preneur est dans l’impossibilité, même temporaire, de jouir de la chose ou d’en faire un usage conforme à sa destination, notamment à la suite de dispositions légales ou réglementaires ou d’une décision administrative.
En l’espèce, le preneur s’est vu contraint de cesser temporairement son activité de vente d’articles de lingerie, non essentielle au sens des dispositions sanitaires relatives à la lutte contre la propagation du virus Covid-19.
Selon la cour d’appel de Douai, le preneur a donc été mis dans l’impossibilité d’exploiter son activité durant la période de confinement et de fermeture des commerces non essentiels.
Selon d’autres, le Preneur a bénéficié de sa vitrine, aurait pu faire du click&collect, des travaux, etc…
Selon la cour d’appel de Douai, il ne peut lui être imputé à faute, compte tenu de l’état d’urgence sanitaire, de ne pas avoir modifié son activité comme le lui permettait la clause de destination stipulée tous commerces.
En l’absence d’obligation à sa charge en vertu du bail, il ne peut davantage lui être reproché de ne pas avoir souscrit d’assurance garantissant les pertes d’exploitation.
L’impossibilité d’exploiter les lieux s’analyse donc en une perte partielle de la chose justifiant une dispense totale du paiement des loyers.
Le fait que le bailleur n’ait commis aucune faute est sans incidence et il ne peut se prévaloir de la clause d’exclusion de responsabilité du bail au titre des travaux urgents en cours de bail, les dispositions de l’article 1724 du Code civil étant sans application.
Il serait temps que la Cour de Cassation soit saisie du sujet et permette tant au locataire et propriétaire, rares encore à ne pas avoir transigé, de savoir quel est le droit.
Cela permettrait de désengorger les tribunaux et permettre aux parties, bailleur et locataire, de se concentrer sur leurs activités.
Cour d’appel, Douai, 8e chambre, 3e section, 16 Décembre 2021 n° 21/03259