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Publié le 23 Fév 2014

L’EHPAD ou le règne du preneur

Il y a plusieurs années, de nombreux investisseurs privés ont décidé d’investir dans des Établissements d’Hébergement pour les Personnes Âgées Dépendantes afin de réaliser une opération de défiscalisation ou d’investissement. Aujourd’hui, nombre d’entre eux arrivent aux termes de leurs baux commerciaux et ne savent pas comment faire face à un preneur exploitant qui propose entre autres une baisse de loyer, de ne plus supporter les charges, de demander une forte participation pour les investissements de remise aux normes. Si vous vous reconnaissez, il est temps de réagir.

Au préalable, il convient de rappeler le type de montage qui ont été réalisés. Généralement, il est proposé d’investir via une société à responsabilité limitée et de devenir le propriétaire de chambres dans un EPHAD. Il était alors proposé d’investir en Loueur Meuble Professionnel (LMP) ou Non Professionnel (LMNP).

Cela permettait à minima de récupérer la TVA décaissé pour l’acquisition des chambres, d’être non imposable sur les revenus perçus en raison de l’amortissement des biens sur 15 à 20 ans et de la déduction des intérêts du financement.

Pour certains bénéficiant du CENSI-BOUVARD, l’amortissement est de 11% sur 9 ans.

En dehors des avantages fiscaux, le montage juridique était le suivant. Le nouveau propriétaire donnait ses chambres à bail commercial à un exploitant pour une durée ferme de 9 à 12 ans avec un loyer prédéterminé et généralement indexé. L’ensemble des charges impôts et taxes étaient alors à la charge de l’exploitant.

Cet exploitant fournissait alors toutes les prestations aux personnes âgées qui allaient occuper l’établissement : assistance par du personnel qualifié et médical, repas, ménage, parties communes pour vivre, etc….

Par ailleurs, l’immeuble ayant plusieurs propriétaires un syndic était désigné afin d’assurer la gestion de l’immeuble, mais qui en fait se contente de convoquer une fois par an l’assemblée générale.

Ainsi, tout se présentait parfaitement bien un investissement optimisé fiscalement, une rentabilité intéressante, une certitude dans la durée des revenus.

Mais c’était sans compter la parfaite connaissance des rouages par les exploitants preneur à bail.

A ce jour diverses expériences ont été vécus :

– soit les propriétaires ont vu leur loyer baissé en cours de bail,

– soit l’exploitant a déposé le bilan,

– soit quelques mois avant le terme du bail l’exploitant les a informé que de coûteux travaux devaient être réalisés et qu’il n’était plus possible de maintenir les loyers du début du bail, et en conséquence :
le loyer serait baissé,
le bail ne pouvait plus être d’une durée ferme de 9 ou 12 ans mais un bail pouvant être résilié tous les trois ans (permettant ainsi à l’exploitant tous les 3 ans de refaire le même chantage),
les charges devaient être répartis entre bailleur et preneur
les impôts et taxes foncières et autres devaient être supportés par le bailleur

En d’autres termes, le propriétaire voit non seulement ses revenus réduits (sans compter le coefficient d’érosion monétaire), mais de surcroit il voit ses charges augmenter. Le grand gagnant est donc l’exploitant qui voit ses marges explosés.

En cas de refus du propriétaire, le couperet tombe : l’exploitant délivre un congé au bailleur propriétaire qui se retrouve alors avec une ou plusieurs chambres qu’il ne peut ni louer ni exploiter, car personne ne souhaite louer une chambre dans un établissement destiné aux personnes âgées dépendantes et aucun autre exploitant n’acceptera de gérer seulement une ou deux chambres. En d’autres termes, sa chambre ne vaut plus rien

Quelles sont les solutions pour le propriétaire – bailleur ?

1- Le propriétaire bailleur accepte les nouvelles conditions sans discuter et touche les revenus proposés

2- Le propriétaire bailleur accepte les nouvelles conditions sans discuter, touche les revenus proposés et met en vente son bien en espérant trouver un acquéreur

3- Le propriétaire bailleur accepte les nouvelles conditions et vend à une société ad hoc à celle de l’exploitant les chambres à un prix bien diminué

4- Le propriétaire bailleur négocie certaines clauses dont les plus importantes : une durée ferme, les loyers et les charges impôts et taxes pour maintenir des revenus ou vendre ses biens dans les meilleures conditions

5- Les propriétaires bailleurs se regroupent et lancent une procédure en abus de position dominante et en rupture abusive du bail commercial.

Cette dernière solution repose sur l’article L 420-2 du code de commerce. Pour se faire, trois conditions doivent être réunies :

* Existence d’une position dominante :

« La position dominante concerne une position de puissance économique détenue par une entreprise qui lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une concurrence effective sur le marché en cause en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis à vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs ».

La position dominante doit être considéré comme un monopole. Or, dans les hypothèses visées ci-dessus la concurrence n’a pas sa place puisqu’aucun exploitant ne peut et ne veut rentrer et exploiter quelques chambres d’un établissement gérer par un autre exploitant.

* Exploitation de cette position

Pour caractériser cette situation :

– Soit les abus sont illicites par eux-mêmes

– Soit le comportement abusif est justifié par la position dominante

En l’état, c’est plutôt la seconde situation qui correspond aux difficultés rencontrées par les propriétaires bailleurs.

* Objet ou effet restrictif sur le marché

L’exploitation abusive doit être réalisée par l’utilisation de la position dominante.

Sanction injonction d’arrête les pratiques abusives

Sanction pécuniaire : 10% du CA

L’article L. 442-6, I, 4°, du Code de commerce précise qu’engage la responsabilité de son auteur le fait « d’obtenir ou de tenter d’obtenir, sous la menace d’une rupture brutale totale ou partielle des relations commerciales des conditions manifestement abusives concernant les prix, les délais de paiement, les modalités de vente ou les services ne relevant pas des obligations d’achat et de vente ».

Généralement, l’exploitant fait pression sur le propriétaire afin de réduire le montant des loyers et de résilier le bail. Compte tenu de la situation des locaux : chambres médicalisées, la gestion de ses chambres étant commune à l’ensemble immobilier et géré par l’exploitant; Celui-ci dispose alors d’un monopole.

Il convient d’apporter la preuve de ce monopole qui justifierait l’abus de position dominante du preneur en démontrant l’absence de possibilité de louer à un autre exploitant…

Le fondement de l’abus de position dominante pourra alors être appliqué et des dommages-intérêts pourront être demandés à l’exploitant.

Il existe d’autres solutions, mais faut-il encore être bien conseillé.

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