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Publié le 11 Fév 2017

Investissement immobilier en résidences services et responsabilités du notaire et du conseiller en immobilier d’investissement

Au risque d’engager leurs responsabilités:

  • Le notaire doit alerter les parties sur tous soupçons quant à l’état réel d’avancement des travaux de rénovation résultant des documents en sa possession
  • Le conseiller en immobilier d’investissement a un devoir d’information et de conseil consistant à s’informer des perspectives économiques et financières d’évolution de l’opération immobilière, support de l’investissement de défiscalisation qu’il proposait.

Désireuse de bénéficier du dispositif d’incitation fiscale de loueur en meublé professionnel, une personne a consulté un conseil en immobilier d’investissement, qui, après une simulation financière, lui a proposé d’investir dans un programme de rénovation et d’exploitation en résidence de services d’un ensemble immobilier.

Après avoir, par un contrat préliminaire du 5 septembre 2006, réservé un appartement en duplex, dont il a immédiatement consenti la location commerciale, l’acquéreur a, suivant acte authentique reçu le 28 septembre 2006, acquis ce bien, constituant le lot no 78 du bâtiment H d’un ensemble immobilier en copropriété, sous le régime de la vente en l’état futur d’achèvement. La fraction immédiatement exigible a été fixée à 90 % du prix, en considération d’un état d’avancement des travaux attesté, le 24 juin 2005, par l’architecte, maître d’oeuvre de l’opération de rénovation.

Alerté par l’interruption du paiement des loyers, l’acquéreur, après avoir fait constater, par huissier de justice, l’état de complet abandon de l’appartement, a assigné, notamment, les notaires, le conseil en immobilier d’investissement et l’architecte en responsabilité et indemnisation.

Ces deux derniers ayant été mis en redressement puis en liquidation judiciaires en cours d’instance, les organes leur procédure collective ont été successivement appelés à la procédure.

Pour écarter toute défaillance des notaires dans la vérification documentaire de l’exactitude de l’attestation du 24 juin 2005 qui leur incombait, l’arrêt retient qu’il n’est pas anormal que l’ensemble immobilier, pourvu de toiture, ait été déclaré hors d’eau dès le 16 juin 2003, avant que n’intervienne la déclaration d’ouverture de chantier.

Il ajoute qu’en raison de l’ampleur de la rénovation entreprise, qui consistait, sous le contrôle de l’architecte des bâtiments de France, à transformer un château avec dépendances du 16e siècle, classé monument historique, en une résidence de services pourvue du confort moderne, ni la circonstance que la mise en plâtre n’ait été déclarée achevée que deux ans plus tard ni le fait que l’achèvement des travaux ait été fixé en juin 2006 ou à la fin de l’année 2006, n’étaient de nature à amener les notaire à suspecter l’insincérité de l’attestation litigieuse qui, relatant l’achèvement des plâtres du bâtiment H, ne portait pas, en elle-même, la marque de sa complaisance.

En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, au vu des pièces annexées à l’acte authentique et, en particulier, du contrat préliminaire de réservation du 5 septembre 2006 qui stipulait que le prix payable à la signature de l’acte authentique serait de 65 % « l’immeuble étant hors d’eau », les informations discordantes fournies par le promoteur-vendeur qui, alors que l’attestation de mise hors d’eau datait du 16 juin 2003, déclarait, dans l’acte notarié du 28 septembre 2006, une situation d’achèvement des plâtres attestée par l’architecte le 24 juin 2005, ce qu’une simple vérification documentaire pouvait mettre en évidence, n’était pas de nature à éveiller des soupçons quant à l’état réel d’avancement des travaux de rénovation en cours, qui déterminait la fraction du prix immédiatement exigible au jour de la vente, alors fixée à 90 %, soupçons dont les notaires auraient, alors, dû alerter les parties, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article 1382 du Code civil, devenu l’article 1240 du Code civil.

Pour écarter la responsabilité du conseil en immobilier d’investissement, l’arrêt retient qu’il ne peut se voir reprocher de ne pas avoir éclairé l’acquéreur sur la pérennité de son investissement, dès lors qu’il n’est pas un professionnel de la rénovation immobilière et qu’il ne disposait pas de plus d’éléments que ceux qui, détenus par les notaires, ne permettaient pas de suspecter l’inexactitude des informations fournies par l’architecte sur l’état d’avancement des travaux.

En statuant ainsi, alors que le devoir d’information et de conseil de cet intermédiaire spécialisé comportait celui de s’informer des perspectives économiques et financières d’évolution de l’opération immobilière, support de l’investissement de défiscalisation qu’il proposait, dont les seules informations légales recueillies par les notaires, en vue d’assurer l’efficacité de l’acte de vente en l’état futur d’achèvement, ne suffisaient pas à rendre compte, la cour d’appel a violé l’article 1147 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-31 du 10 février 2016.

Pour retenir la responsabilité de l’architecte à hauteur d’une certaine somme et dire n’y avoir lieu de fixer cette créance au passif de sa procédure collective, l’arrêt retient que l’acquéreur ne justifie pas avoir déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire, ouverte le 28 novembre 2013.

En statuant ainsi, alors qu’en l’absence de déclaration de créance, les conditions de la reprise régulière de l’instance en cours n’étaient pas réunies, et l’instance demeurait interrompue jusqu’à la clôture de la liquidation judiciaire, la cour d’appel a violé l’article L. 622-22 du Code de commerce , dans sa rédaction issue de la loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises.

Cour de cassation, 1re chambre civile, 25 Janvier 2017 n° 15-21186

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