Le bailleur commercial qui exerce son droit de repentir doit payer les frais d’avocat du locataire.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence a jugé que le bailleur qui a fait valoir son droit de repentir pour se soustraire au paiement d’une indemnité d’éviction doit régler l’intégralité des frais d’instance exposés par le locataire, y compris la facture de son avocat, d’un montant de plus de 11 000 €.
La locataire d’un local commercial abritant un fonds de boulangerie-pâtisserie-confiserie situé à Arles s’est vue signifier par son bailleur, une SCI, un congé avec refus de renouvellement du bail, lui proposant une indemnité d’éviction de 30 000 €.
La locataire a assigné son bailleur en contestation du montant de l’indemnité d’éviction devant le tribunal de grande instance de Tarascon et a eu, pour cela recours aux services d’un avocat.
Aux termes de son jugement, le tribunal a condamné le bailleur à payer à la locataire une somme de 87.276 € au titre de l’indemnité principale d’éviction, ainsi que 27.388 € au titre de l’indemnité accessoire de frais de déménagement, ainsi que diverses autres sommes.
Ces montants étaient trop élevés par le bailleur, qui a décidé d’exercer son droit de repentir et finalement consenti au renouvellement du bail.
Les frais d’avocat sont-ils des frais d’instance ?
Conformément aux dispositions de l’article L.145-58 du code de commerce, la locataire a réclamé au bailleur le remboursement des frais occasionnés par l’instance qu’elle a introduite devant le tribunal de grande instance de Tarascon, en ce compris les honoraires qu’elle avait versés à son conseil, fixés par une ordonnance de taxe à la somme de 11.336,86 € TTC.
Elle a assigné la SCI en paiement, et celle-ci a contesté devoir rembourser les frais d’avocat engagés par la locataire, en se fondant, notamment sur le principe de l’effet relatif des contrats, édicté par les dispositions de l’article 1165 du code civil.
La SCI a soutenu que les honoraires de l’avocat avaient été fixés librement avec le client, de manière discrétionnaire, conformément aux dispositions de l’article 10 de la loi n° 70-1130 du 31 décembre 1971 et qu’en conséquence, la convention d’honoraires ne pouvait pas être opposée au bailleur.
Le tribunal de Tarascon a cependant condamné le bailleur à payer l’intégralité des honoraires engagés par le locataire et la cour d’appel a confirmé le jugement.
Elle a en effet considéré qu’il était conforme à l’esprit de l’article 145-58 de considérer que la prise en charge, par le bailleur, des frais de l’instance n’était pas limitée aux seuls frais d’instance et que ce dernier devait prendre en charge l’intégralité des frais exposés par le locataire avant l’exercice, par le bailleur, du droit de repentir.
Les frais d’instance vont au-delà de l’article 700
La jurisprudence relative à cet article a tendance à considérer que les frais d’avocat sont exclus des frais d’instance que le bailleur doit rembourser au locataire (Civ. 3e, 27 mars 2002, no 00-22534 ).
L’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence statue justement sur ce point, jugeant que si les indemnités allouées au titre de l’article 700 ont été allouées en tenant compte de l’équité, cette notion est étrangère aux dispositions de l’article L.145-58 du code de commerce.
La locataire est donc en droit de réclamer les honoraires versés à l’avocat qui ont fait l’objet d’une ordonnance de taxe du bâtonnier.
Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 10 mai 2016 n° 15/04604