A peine d’irrecevabilité de la demande, l’assignation en nullité de vente immobilière doit être publiée dans les registres du service chargé de la publicité foncière.Cette formalité peut être régularisée à tout moment jusqu’à ce que le juge statue.
En l’espèce, une parcelle agricole est vendue.
La société qui soutient être titulaire d’un bail à ferme sur celle-ci et d’un droit de préemption qui n’aurait pas été respecté saisit le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation de la vente et substitution à l’acquéreur.
Le tribunal déclare la demande irrecevable, au motif qu’elle n’a pas été publiée au service de la publicité foncière.
La cour d’appel de Rennes confirme le jugement.
La société forme un pourvoi en cassation, soutenant que la « sanction prononcée […] à raison du non-accomplissement d’une formalité procédurale porte une atteinte excessive au droit d’accès au juge ».
Son pourvoi est rejeté.
En effet, l’article 6-1 de la Convention européenne des droits de l’homme, tel qu’interprété par la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), reconnaît à toute personne un droit d’accès aux tribunaux.
La CEDH a également précisé que:
«
-* a) le droit d’accès aux tribunaux n’est pas absolu ; il se prête à des limitations implicitement admises car il appelle de par sa nature même une réglementation par l’état, réglementation qui peut varier dans le temps et dans l’espace en fonction des besoins et des ressources de la communauté et des individus.
- b) En élaborant pareille réglementation, les États contractants jouissent d’une certaine marge d’appréciation. Il appartient pourtant à la Cour de statuer en dernier ressort sur le respect des exigences de la Convention ; elle doit se convaincre que les limitations appliquées ne restreignent pas l’accès ouvert à l’individu d’une manière ou à un point tels que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même.
- c) En outre, pareille limitation ne se concilie avec l’article 6-1 que si elle tend à un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé »
(CEDH 21 sept. 1994, n° 17101/90, Fayed c. Royaume-Uni, série A, n° 294-B, p. 49-50, § 65, ).
L’obligation de faire publier une assignation en nullité de vente immobilière dans les registres du service de la publicité foncière (décr. n° 55-22, 4 janv. 1955, art. 28, 4°, c) à peine d’irrecevabilité de la demande encadre le droit d’accès au juge.
Pour autant, cette limitation ne porte pas atteinte à la substance même du droit d’accès au juge. La formalité imposée ne prive pas l’effectivité de l’accès au juge. Les dispositions critiquées tendent à garantir la sécurité des transactions immobilières et à protéger les tiers en les informant.
Il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé : la Cour de cassation considère que la publicité peut être effectuée jusqu’à la clôture des débats (Civ. 1re, 7 janv. 1992, n° 90-14930 ; Civ. 2e, 9 oct. 1996, n° 94-16155) et que l’exception ne peut être soulevée d’office, seul le demandeur peut opposer l’exception de l’irrecevabilité (Civ. 3e, 18 janv. 1995, n° 92-10655).
Il n’y a, contrairement à ce que soutenait le pourvoi, et en aucune manière, « sanction prononcée de manière automatique à raison du non-accomplissement d’une formalité procédurale ».
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 22 juin 2017 n°16-13651