Lorsqu’une entreprise est placée en redressement judiciaire, les créanciers ne peuvent plus obtenir de condamnation en référé pour le paiement d’une provision sur les loyers impayés. Seules les condamnations prononcées par le juge du fond peuvent faire l’objet d’une fixation au passif de la société.
1. Rappel des règles de droit
1.1. Effet du redressement judiciaire sur les actions en paiement
📌 Article L. 622-21-1 du Code de commerce
« Le jugement d’ouverture d’une procédure collective interrompt ou interdit toute action en justice tendant à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent ou à la résolution d’un contrat pour défaut de paiement. »
🔹 Les créanciers ne peuvent plus poursuivre le débiteur en justice pour obtenir une condamnation au paiement de leurs créances nées avant le jugement d’ouverture du redressement judiciaire.
🔹 Toute procédure en cours est suspendue et le créancier doit déclarer sa créance au passif.
📌 Jurisprudence applicable :
- Seules les condamnations prononcées par le juge du fond peuvent être fixées au passif d’une entreprise en redressement judiciaire (CA Paris, 30 juin 2022, n° 21/21048).
- L’instance en référé ne permet pas d’obtenir une condamnation définitive et ne peut donc être poursuivie après l’ouverture d’une procédure collective (Cass. com., 9 janv. 2019, n° 17-31.046).
1.2. Conséquences sur les créances locatives
📌 Article L. 145-41 du Code de commerce
« Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. »
🔹 Si la clause résolutoire est acquise avant l’ouverture du redressement judiciaire, le bailleur peut en demander le constat en justice.
🔹 Si la procédure collective est ouverte avant, toute action du bailleur tendant à obtenir une condamnation du preneur au paiement des loyers impayés devient irrecevable.
📌 Jurisprudence applicable :
- Une ordonnance de référé constatant l’acquisition de la clause résolutoire n’est pas une condamnation définitive et ne peut être fixée au passif (CA Paris, 10 octobre 2024, n° 24/00031).
- Le bailleur ne peut plus exiger de condamnation provisoire pour une dette locative née avant la procédure collective (Cass. com., 4 mai 2022, n° 21-11.493).
2. Rappel des faits
🔹 Un bail commercial est en cours entre un bailleur et une société locataire.
🔹 Le bailleur délivre un commandement de payer visant la clause résolutoire, resté sans effet.
🔹 Le juge des référés constate l’acquisition de la clause résolutoire et condamne le locataire au paiement des loyers impayés.
🔹 Pendant la procédure d’appel, la société locataire est placée en redressement judiciaire.
Le bailleur demande en appel la fixation de sa créance provisionnelle au passif du locataire.
3. Décision de la Cour
✅ Le redressement judiciaire interrompt l’instance : la procédure de référé ne peut aboutir à une condamnation définitive.
✅ Le bailleur ne peut pas obtenir de provision sur les loyers impayés : il doit déclarer sa créance et attendre la décision du juge-commissaire.
✅ La clause résolutoire reste acquise mais l’action en paiement devient irrecevable.
📌 Cour d’appel de Paris, Pôle 1, chambre 3, 10 octobre 2024 – n° 24/00031