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Publié le 2 Mar 2025

Bail commercial : Clause résolutoire et mauvaise foi du Bailleur

Un bailleur ne peut invoquer la clause résolutoire de mauvaise foi, notamment lorsque le manquement reproché au locataire résulte de l’inaction ou de la carence du bailleur lui-même. En cas de contestation, le juge doit apprécier la bonne foi du bailleur au moment de la délivrance du commandement.


1. Rappel des règles de droit et de la jurisprudence

1.1. Conditions d’application de la clause résolutoire

L’article L. 145-41 du Code de commerce prévoit que toute clause de résiliation de plein droit n’a d’effet qu’un mois après un commandement resté infructueux. Ce commandement doit mentionner ce délai sous peine de nullité.

Selon la jurisprudence, deux conditions sont nécessaires à l’application d’une clause résolutoire :

  1. L’existence d’une obligation contractuelle expresse dans le bail.
  2. Une mise en demeure préalable du locataire visant à faire cesser l’infraction.

Si le locataire ne régularise pas sa situation dans le délai imparti, le juge doit constater la résiliation, sans pouvoir apprécier la gravité du manquement. Cependant, le bailleur doit invoquer la clause de bonne foi.

1.2. Jurisprudence applicable sur la bonne foi du bailleur

  • Le juge doit apprécier la bonne foi du bailleur à la date de délivrance du commandement et non postérieurement (Cass. 3e civ., 2 décembre 1998, n° 97-11.109).
  • Le bailleur ne peut pas invoquer la clause résolutoire lorsque le manquement du locataire résulte de ses propres défaillances :
    • Non-respect de son obligation de délivrance ou de prise en charge de la vétusté (Cass. 3e civ., 1er février 2018, n° 16-28.684).
    • Manquement à son obligation de jouissance paisible (CA Paris, 19 avril 2023, n° 21/07043).
  • La clause résolutoire ne peut être invoquée lorsque le bailleur a lui-même empêché l’exécution du contrat (CA Paris, 3 octobre 2024, n° 24/011459).

2. Rappel des faits

Dans cette affaire, un bail commercial renouvelé au 1er janvier 2015 imposait au locataire de produire une caution bancaire avant l’entrée en vigueur du bail.

Chronologie des événements :

  • 2015 : Le bail est renouvelé avec une clause imposant la fourniture d’une caution bancaire.
  • Six ans plus tard, le bailleur délivre un commandement de produire cette caution, menaçant d’activer la clause résolutoire.
  • Le locataire conteste cette mise en demeure, soutenant qu’elle est manifestement abusive après plusieurs années d’acceptation tacite du bail sans cette garantie.

3. La décision rendue

La Cour d’appel a considéré que :

  • Le bailleur a invoqué la clause résolutoire de mauvaise foi en demandant la fourniture d’une caution six ans après le renouvellement du bail.
  • Le bailleur avait pleinement accepté cette situation en signant le bail renouvelé sans exiger immédiatement la caution.
  • Le bénéfice de la clause résolutoire ne pouvait être acquis, car la mise en demeure traduisait une intention déloyale d’évincer le locataire.

Toutefois, la demande de dommages et intérêts du locataire a été rejetée, faute d’éléments établissant un préjudice concret.


Conclusion

  1. Un bailleur ne peut invoquer une clause résolutoire en mauvaise foi, notamment lorsqu’il a lui-même accepté ou toléré la situation pendant plusieurs années.
  2. Le juge doit apprécier la bonne foi du bailleur à la date de délivrance du commandement, et non postérieurement.
  3. L’activation abusive d’une clause résolutoire peut être écartée, même si la sanction du locataire semble justifiée au regard du bail.

📌 Référence : Cour d’appel de Paris, 3 octobre 2024, n° 24/011459

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