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Publié le 19 Jan 2020

Abandon de loyers et redressement fiscal du bailleur

L’administration fiscale réintègre le montant des loyers auxquels le bailleur a renoncé dans ses revenus fonciers si celui-ci ne peut pas prouver les réelles difficultés financières de son locataire.

Pour mémoire, pour qu’un abandon de loyers soit accepté, il convient que cela relève soit de l’intérêt du propriétaire ou soit pour permettre au locataire de sortir d’une situation difficile. La jurisprudence illustre plusieurs situations:

  • L’administration n’est pas fondée à réintégrer dans les revenus fonciers d’un propriétaire le montant des loyers qu’il a été contraint de renoncer à poursuivre pour obtenir le départ des lieux de son locataire qui avait cessé de payer ses loyers et auquel il avait signifié son congé. (CE 1er juin 1990 n° 68313, 7e et 9e s.-s.);
  • Un abandon de loyer n’a pas le caractère d’une libéralité lorsqu’il existe un intérêt à renoncer à titre temporaire à la perception du loyer convenu pour ne pas accroître les importantes difficultés de trésorerie du preneur plutôt que de supporter immédiatement les charges inhérentes à son éviction et à une nouvelle affectation des locaux. (CE 29 mai 1991 n° 75021-75022, 7e et 8e s.-s.);
  • En abandonnant à la société les loyers qu’elle avait inscrits au crédit du compte courant d’associé, le dirigeant bailleur a donc accompli un acte de disposition en faveur de la société. Par suite, les loyers en cause sont imposables dans la catégorie des revenus fonciers (CE 26-6-1992 n° 72164, 8e et 7e s.-s.);
  • Un abandon de loyers a le caractère d’une libéralité procédant d’un acte de disposition lorsque l’intérêt du propriétaire à renoncer à leur perception n’est pas établi, à savoir le décalage permanent entre les dates d’échéance et de paiement des loyers, n’établissait pas l’existence de telles difficultés ni la nécessité pour la société civile immobilière de différer l’encaissement (CAA Paris 10-2-1994 n° 92-1190, 2e ch. ; CE CAPC 6-2-1995 n° 157674);
  • En l’absence de justificatifs de graves difficultés de trésorerie rencontrées au cours des années en litige par la société locataire, dont la mise en liquidation judiciaire au cours de l’instance est sans incidence sur les impositions litigieuses, l’administration doit être regardée comme apportant la preuve que les abandons de revenus fonciers consentis par les requérants au titre de la location de l’immeuble litigieux ont le caractère d’une libéralité. Il résulte en outre de l’instruction que le locataire s’était dûment acquitté, au cours des années en litige, du loyer au titre d’un autre immeuble (CAA Versailles 2 octobre 2014 n° 12VE01589, 7e ch.).

En l’espèce, une SCI relevant du régime des sociétés de personnes donne en location un immeuble à usage de cabaret à une société d’exploitation, depuis 1989.

En raison de la situation financière de sa locataire, la SCI propriétaire renonce à percevoir les loyers de l’immeuble pour les années 2011 et 2012.

Considérant que la SCI a consenti une libéralité au profit de la société locataire, l’administration réintègre le montant des loyers non perçus dans ses revenus fonciers imposables.

Le principal associé et gérant de la SCI conteste cette imposition.

Confirmant la décision des premiers juges, la cour administrative d’appel de Paris refuse de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires.

Selon les juges, la SCI n’établit pas la réalité des difficultés de trésorerie de la société locataire qu’elle avait invoquées pour justifier sa renonciation à percevoir les loyers.

Ils relèvent notamment que la société locataire a réalisé des bénéfices fiscaux au titre des deux années concernées et que le montant du solde de son compte « report à nouveau » a augmenté entre 2011 et 2012.

La présentation de courriers de la banque de la société locataire l’informant de l’impossibilité de régler des chèques qu’elle a émis pour défaut de provision sur son compte ne suffisent pas à démontrer les graves difficultés financières que celle-ci traverse, en l’absence d’autres incidents de paiement au cours de cette période.

C’est donc à bon droit que l’administration a considéré que l’abandon des loyers par la SCI est constitutif d’une libéralité et que les loyers non perçus doivent être réintégrés dans ses revenus fonciers.

L’intérêt économique de l’abandon de loyers n’est que très rarement reconnu par les juges.

Un tel intérêt existe lorsque l’abandon de loyers permet de ne pas accroître les importantes difficultés de trésorerie du locataire et évite de supporter immédiatement les charges inhérentes à son éviction et à une nouvelle affectation des locaux (CE 29-5-1991 no 75021 et 75022 : RJF 7/91 no 956) ou d’obtenir le départ du locataire insolvable (CE 1-6-1990 no 68313 : RJF 8-9/90 no 1030).

Cour Administrative d’Appel Paris 3 octobre 2019 n°18PA00243

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