La société locataire bénéficiant d’une indemnité d’éviction mais ne réglant pas l’indemnité d’occupation prive celle-ci de tout droit à indemnité et doit libérer les locaux.
Le refus de renouvellement sans indemnité d’éviction est fondé sur un motif grave et légitime, au sens de l’article L. 145-17 du Code de commerce.
Si le bailleur ne peut reprocher au locataire le défaut de paiement du loyer, puisque le locataire a été autorisé judiciairement à consigner les loyers dans l’attente de la réalisation de travaux par le bailleur et qu’il justifie de la consignation effective des loyers jusqu’à la date d’effet du congé, le bailleur est en droit de reprocher au locataire l’absence de paiement de l’indemnité d’occupation.
La société locataire ne justifie d’aucun motif légitime à ce défaut de paiement, de sorte que ce manquement grave à ses obligations a pour effet de la priver définitivement de tout droit à indemnité d’éviction et au maintien dans les lieux.
En effet, en application de l’article L. 145-28 du code de commerce, aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue. Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré. Toutefois, l’indemnité d’occupation est déterminée conformément à la valeur locative.
Il résulte de ce texte que le preneur qui est maintenu dans les lieux dans l’attente du paiement de l’indemnité d’éviction, reste tenu des obligations tirées du bail, et notamment le paiement d’une indemnité d’occupation.
Si cette indemnité doit être fixée en fonction de la valeur locative, il n’en demeure pas moins, dans l’hypothèse où elle ferait l’objet d’une expertise, et à défaut pour le juge d’en avoir fixé un montant provisionnel dans l’attente du dépôt du rapport, que le preneur reste alors tenu du paiement du loyer contractuel antérieur, à charge ensuite de faire le compte entre les parties s’il y a lieu.
Le preneur ne peut prétendre occuper gratuitement les lieux pour une durée non définie, sans verser aucune contrepartie au bailleur, et ne peut se prévaloir par anticipation d’une compensation éventuelle entre deux créances indéterminées, à savoir l’indemnité d’éviction d’une part, et l’indemnité d’occupation d’autre part.
Ainsi, le défaut de paiement du loyer après le terme du bail, sans motif légitime, dans l’attente du paiement de l’indemnité d’éviction, est de nature à priver le preneur de celle-ci et de son droit au maintien dans les lieux.
Il appartient au preneur de rapporter la preuve du paiement du loyer, devenu indemnité d’occupation.
En l’espèce, il résulte de l’examen des pièces produites aux débats que la société SI ne justifie d’aucun paiement d’une quelconque somme à la société RC II, ni directement, ni en compte CARPA depuis le 16 janvier 2014.
Elle ne prétend d’ailleurs pas avoir effectué le moindre paiement depuis cette date, et ce malgré le commandement de payer qui lui a été délivré par le bailleur le 16 février 2017, lequel vise expressément les loyers échus depuis le 1er janvier 2014.
La société SI ne justifie d’aucun motif légitime à ce défaut de paiement, de sorte que ce manquement grave à ses obligations a pour effet de la priver définitivement de tout droit à indemnité d’éviction et au maintien dans les lieux.
En outre, et pour mémoire, il convient de souligner que la société SI n’a jamais justifié d’une déclaration de créance au passif de la seconde procédure de redressement judiciaire ouverte à l’encontre de la société RC II au titre de l’indemnité d’éviction.
En conséquence, le jugement déféré sera infirmé, la société SI étant déboutée de toute demande au titre de l’indemnité d’éviction, et il sera constaté qu’elle est privée de tout maintien dans les lieux, son expulsion sera également ordonnée dans les conditions fixées au dispositif du présent arrêt.
Cour d’appel, Chambéry, Chambre civile, 1re section, 7 Janvier 2020 n° 16/01452