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Publié le 2 Juin 2019

Obligation d’information et garanties locatives

Manque à son obligation d’information le notaire qui n’attire pas l’attention des propriétaires bailleurs sur la nécessité de se prémunir contre le risque d’impayés, contre lequel ils pensaient être garantis par eux-mêmes, faute de souscription de l’assurance par la société cessionnaire exploitant des appartements para-hôteliers.

En l’espèce, M. B., cent-huit autres personnes physiques et sept personnes morales (les propriétaires bailleurs) ont acquis entre octobre 2005 et avril 2008, à titre d’investissement, des appartements destinés à la location pour des durées déterminées en meublés avec prestations para-hôtelières et ont consenti concomitamment des baux commerciaux pour une durée de neuf ans à la société Elithéa, preneur unique de l’ensemble, mandatée pour assurer la gestion des sous-locations.

En novembre 2006, celle-ci a entendu céder l’ensemble des baux à la société MVM Eole Europe (société MVM).

M. T., notaire à Nantes (le notaire), chargé de recevoir l’acte de cession, a informé les propriétaires bailleurs du projet pour les faire intervenir par mandataire à cet acte en vue de le leur rendre opposable sans signification conformément aux dispositions de l’article 1690, alinéa 2, du Code civil.

Le notaire a adressé à cette fin à chacun d’eux un formulaire de mandat à signer, ainsi qu’une notice de présentation élaborée par la société MVM dans laquelle celle-ci indiquait notamment souscrire un contrat d’assurance Insor/Gan garantissant, pendant trois ans, le règlement des loyers commerciaux aux propriétaires bailleurs quel que soit le taux d’occupation de la résidence.

Le 29 juin 2007, le notaire a reçu la convention de cession des baux commerciaux.

Au cours de l’année 2009, les loyers ont cessé d’être réglés, d’abord partiellement, puis totalement à compter du troisième trimestre.

La société MVM a été placée le 3 mars 2010 en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire le 24 novembre suivant.

Lorsque les propriétaires bailleurs ont sollicité la mise en œuvre de la garantie Insor/Gan, ils ont appris que celle-ci n’avait pas été souscrite.

Ils ont assigné le notaire en responsabilité et indemnisation.

Pour rejeter l’action des propriétaires bailleurs, la Cour d’appel a retenu que rien n’établit que le notaire leur a donné à penser d’une manière ou d’une autre que la société cessionnaire était assurée contre le risque de non-occupation des locaux loués ni que la croyance en une telle garantie a été une condition déterminante de leur consentement.

La Cour de Cassation censure la décision de la Cour d’appel considérant que la cour d’appel a méconnu la portée de l’obligation d’information du notaire sur les risques des actes qu’il rédige en subordonnant la responsabilité du notaire au fait que la croyance erronée des propriétaires bailleurs en l’existence d’une garantie locative ait constitué une condition déterminante de leur consentement.

De plus, pour rejeter l’action des propriétaires bailleurs, après avoir constaté l’absence de vérification par le notaire de la souscription de l’assurance de versement des loyers par la société cessionnaire et la mention erronée, dans le mandat confié par les propriétaires bailleurs, de l’existence d’une garantie solidaire du cédant, la cour d’appel a retenu que ces fautes n’ont pas eu de conséquence sur l’opposabilité à ceux-ci de la cession des baux.

Là encore, la Cour de Cassation censure en considérant qu’en se déterminant ainsi, sans répondre aux conclusions des propriétaires bailleurs qui soutenaient que la responsabilité du notaire était engagée en ce que ses manquements les avaient privés, faute d’être mieux informés, de la possibilité de se prémunir par eux-mêmes des risques pour lesquels ils pensaient être garantis, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences de l’article 455 du Code de procédure civile.

Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 26 septembre 2018, 17-18303

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