Le vendeur qui dissimule à l’acheteur avoir obtenu en justice une indemnisation provisoire du précédent vendeur pour des désordres décennaux, et qui n’a pas fait les travaux, commet une faute.
En l’espèce, l’acheteur d’une maison se plaint de désordres liés au caractère inondable de la chaufferie et du garage.
Il assigne en réparation le vendeur, le constructeur et son assureur. Après le jugement faisant droit à sa demande et la perception d’une indemnisation à titre provisoire, il revend son bien, sans faire les travaux de reprise ni informer son acheteur de la procédure en cours.
En appel, le jugement est confirmé. Le vendeur initial apprend ultérieurement que son acheteur n’était plus propriétaire du bien lors de la procédure d’appel. Il l’assigne en révision de l’arrêt rendu.
Les juges accueillent le recours en révision au motif que l’acheteur initial a commis une tromperie délibérée, pour fausser la décision de la cour d’appel, en dissimulant qu’il n’était plus propriétaire du bien.
Les juges relèvent par ailleurs que l’acte de revente ne comporte aucune clause informant le nouvel acheteur des désordres et malfaçons pour lesquels son vendeur a exercé un recours, de l’indemnisation reçue à titre provisoire ou mettant à la charge du vendeur initial les frais de reprise.
Le recours en révision est notamment ouvert s’il se révèle, après le jugement, que la décision a été surprise par la fraude de la partie au profit de laquelle elle a été rendue (CPC art. 595).
Dans l’arrêt commenté, le recours en révision est l’occasion de révéler, outre la fraude commise à l’encontre des juges, celle à l’encontre du nouvel acheteur.
L’acheteur initial a dissimulé aux juges qu’il n’était plus propriétaire du bien, et à son propre acheteur la procédure en cours.
Or, l’obligation de contracter de bonne foi impose aux parties de s’informer mutuellement et complètement des caractéristiques du bien et de la situation juridique de l’immeuble (C. civ. art. 1104 dans sa rédaction issue de l’ord. 2016-131 du 10-2-2016, anciennement art. 1134).
Ainsi jugé que le vendeur est tenu d’informer l’acheteur de l’existence d’une procédure judiciaire mettant en cause les qualités substantielles du terrain vendu (présence d’une nappe d’eau en sous-sol ; Cass. 3e civ. 30-6-1992 no 90-19093).
C’est pourquoi le dol du vendeur peut résulter non seulement de manœuvres frauduleuses mais aussi d’une simple réticence (C. civ. art. 1137 dans sa rédaction issue de l’ord. 2016-131 du 10-2-2016, anciennement art. 1116).
Commet ainsi un dol le vendeur qui omet de prévenir l’acheteur qu’il existe une action en cours tendant à l’annulation du permis de construire (Cass. 1e civ. 12-12-1995 n°97-12791).
A noter qu’en matière d’assurance-construction, le bénéficiaire de l’indemnité est la personne qui était propriétaire au moment du sinistre (Cass. 3e civ. 16-12-2009 n° 09-65697 : Bull. civ. III no 278).
En cas de revente, lorsqu’une action en garantie a été engagée par l’acheteur initial et est en cours, celui-ci dispose d’une option : soit il prévoit dans le contrat de revente, dont le prix tient compte des désordres, qu’il conserve l’action en garantie, soit il admet que celle-ci est transmise.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 10 novembre 2016 n°14-25318