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Publié le 11 Déc 2016

Délai d’action trentenaire contre l’emprise sur une partie commune à jouissance exclusive

Lorsqu’un propriétaire édifie sans droit une construction sur une partie commune dont il a la jouissance privative et tente ainsi de s’approprier une partie commune de la copropriété, l’action tendant à obtenir la suppression de la construction élevée irrégulièrement est une action réelle qui se prescrit par trente ans.

En l’espèce, un syndicat de copropriété entendait obtenir la remise en état de deux terrasses aménagées par un couple de copropriétaires qui disposait sur ces espaces d’un droit de jouissance exclusive.

En l’espèce, les copropriétaires, titulaires d’un droit privatif sur la terrasse rattachée à leur lot, avaient augmenté la surface de leur habitation en réalisant des vérandas et une cuisine sur les terrasses contiguës objets d’une jouissance exclusive, car par eux seuls accessibles.

La reconnaissance d’un droit de jouissance exclusive ne modifiant pas la nature de la partie qui en est l’objet, la violation du règlement de copropriété ne fait ici aucun doute.

Seul un vote à la majorité de l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 aurait permis d’autoriser les travaux litigieux.

Pour autant, la recevabilité de l’action en démolition introduite par le syndicat reste suspendue à la qualification des aménagements irréguliers.

Pour les copropriétaires, auteurs du pourvoi, l’action du syndicat est prescrite, dès lors qu’étant de nature personnelle elle ne peut plus être introduite au-delà d’un délai de dix ans à compter des travaux, délai qui, en l’espèce, était effectivement dépassé.

Le recours au premier alinéa de l’article 42 de la loi de 1965 est effectivement ouvert dans l’hypothèse de constructions sur les parties communes, mais uniquement à condition qu’elles ne soient pas constitutives d’une emprise.

C’est là que réside toute la difficulté d’une affaire telle que celle-ci. Il faut parvenir à distinguer selon que les aménagements irréguliers sont seulement constitutifs d’une atteinte purement matérielle ou témoignent, au contraire, d’une véritable appropriation de l’espace. Dans la première hypothèse, l’action est soumise au délai décennal, alors que, dans la seconde, elle relève du délai trentenaire.

Ainsi, les aménagements qui ne nécessitent aucune implantation relèvent nécessairement du domaine de l’action personnelle (Paris, 26 sept. 2002, n° 2002/04698, mobilier de jardin, bacs à fleurs…). Mais sont également soumises à ce régime les constructions « légères » telles que la pose de vérandas et de clôtures de balcon (Civ. 3e, 25 mai 2005, n° 04-10345), dès lors qu’elles illustrent avant tout un dépassement des prérogatives du titulaire du droit de jouissance exclusive, et non une volonté de sa part de s’approprier la partie commune.

A contrario, si les installations litigieuses peuvent illustrer une véritable volonté de conquête juridique, si elles témoignent d’un désir d’annexion de la partie commune, l’action tendant à leur démolition est de nature réelle et se prescrit par trente ans (Civ. 3e, 16 mars 2005, n° 03-14.771 : au sujet d’une véranda).

La Cour de cassation rejette ce moyen du pourvoi en approuvant la qualification d’action réelle retenue par les juges du fond et donc la prescription trentenaire.

Pour apprécier la distinction entre les deux fondements ici en cause, le juge du droit prend soin de souligner que les aménagements en cause constituaient de « véritables constructions » ayant permis d’accroître la surface d’habitation.

Un tel agissement ne peut être regardé comme le simple dépassement des prérogatives conférées par le droit de jouissance exclusive. Il témoigne sans équivoque d’une volonté d’appropriation. Or c’est bien l’objet de l’action réelle que de préserver la qualification des parties communes (Civ. 3e, 16 oct. 2013, n° 12-23252).

La solution déférée est néanmoins partiellement cassée, faute pour la cour d’appel d’avoir correctement répondu aux arguments tendant à démontrer que le délai trentenaire avait également expiré.

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 14 avril 2016 n°13-24969

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