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Publié le 2 Mar 2025

Bail commercial : Suspension des effets de la clause résolutoire pour tous types de manquements

Un locataire commercial peut solliciter des délais et la suspension des effets de la clause résolutoire, non seulement en cas d’impayés de loyers et charges, mais aussi pour tout autre manquement aux obligations prévues au bail. Le juge peut accorder ces délais tant que la résiliation du bail n’a pas été constatée par une décision définitive.


1. Rappel des règles de droit et de la jurisprudence

1.1. Suspension des effets de la clause résolutoire

L’article L. 145-41, alinéa 2, du Code de commerce prévoit que le juge peut suspendre les effets d’une clause résolutoire, quel que soit le manquement reproché au locataire.

Ainsi, cette possibilité ne se limite pas aux seuls impayés, mais s’étend à toute infraction contractuelle visée par la clause résolutoire, comme le non-respect d’une obligation d’exploitation continue.

1.2. Jurisprudence applicable

  • Le locataire peut demander des délais et la suspension des effets de la clause résolutoire tant que la résiliation du bail n’est pas constatée par une décision passée en force de chose jugée (Cass. 3e civ., 27 avril 2017, n° 16-12.179).
  • Ces délais peuvent être accordés rétroactivement (Cass. Civ. 3e, 18 mai 2010, n° 09-13.785).
  • Tout manquement visé par la clause résolutoire, et non seulement le non-paiement des loyers et charges, peut faire l’objet d’une demande de délais par le locataire défaillant; le juge peut accorder des délais même en cas de manquement instantané non régularisable, tel que l’absence de convocation du bailleur à l’acte de sous-location (Cass. 3e civ., 27 octobre 1993, n° 91-19.563 ; CA Versailles, 22 novembre 2018, n° 18/00359 ; CA Riom, 11 mars 2020, n° 19/01853).

2. Rappel des faits

Dans cette affaire, un bail commercial avait été conclu pour l’exploitation d’un restaurant. Le contrat prévoyait une obligation d’exploitation continue, exigeant que le local reste ouvert, exploité et achalandé en permanence.

Chronologie des événements :

  • 10 janvier 2019 : La bailleresse constate la fermeture du restaurant.
  • 24 janvier 2019 : Elle délivre au locataire un commandement de reprendre l’exploitation du fonds, visant la clause résolutoire du bail.
  • Le locataire sollicite la suspension des effets de la clause résolutoire, arguant qu’il devait pouvoir bénéficier de délais pour reprendre son activité.

Or, la Cour d’appel rejette sa demande, estimant que l’article L. 145-41 du Code de commerce ne s’applique qu’en cas d’impayés et que la résiliation a été déclenchée par la fermeture du commerce.


3. La décision rendue

La Cour de cassation censure cette décision, rappelant que :

  • Le juge peut suspendre la clause résolutoire pour tout manquement contractuel, pas seulement les impayés.
  • Refuser d’examiner une demande de délais au motif que l’infraction ne porte pas sur le paiement du loyer constitue une violation de l’article L. 145-41 du Code de commerce.

En conséquence, la Cour d’appel a violé la loi en limitant la suspension des effets de la clause résolutoire aux seuls impayés.


Conclusion

  1. Un locataire commercial peut demander des délais pour régulariser toute infraction au bail, pas seulement les impayés.
  2. Les juges doivent examiner toute demande de délais, y compris pour manquements non régularisables.
  3. Les bailleurs doivent être attentifs à cette jurisprudence, qui renforce les droits des locataires face à l’application stricte d’une clause résolutoire.

Cour de cassation, 3e chambre civile, 6 février 2025, n° 23-18.360

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