En matière de bail commercial, dans le cadre d’un congé sans offre de renouvellement avec le paiement d’une indemnité d’éviction, pour obtenir le paiement par provision des indemnités accessoires, le preneur doit rapporter la preuve de la nécessité d’exposer les frais réclamés.
Tel n’est pas le cas pour les frais de déménagements, les frais salariaux qui y sont liés, les frais de réaménagement et de licenciement car le locataire dès lors que le locataire a annoncé n’avoir trouvé aucune solution dans le même bassin géographique présentant les mêmes facilités de transit routier tri-national et qu’elle subit une perte totale de sa clientèle
Aux termes de l’article L145-14 du code de commerce, le bailleur peut refuser le renouvellement du bail commercial. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.
Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée suivant les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que des frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.
Les indemnités accessoires ne sont pas limitativement énumérées, mais elles correspondent à tous les frais que le preneur peut être amené à engager, du fait de la perte de son fonds et de la nécessité dans laquelle il se trouve de se réinstaller, en acquérant un fonds de même valeur, ces frais supplémentaires n’étant pas inclus dans l’indemnité principale.
Ces indemnités accessoires ne sont pas dues en toute hypothèse (3ème civ., 2 décembre 1998), mais ne peuvent être exclues que s’il est prouvé l’inexistence d’un préjudice de ce chef, soit l’absence certaine de toute intention chez le preneur de se réinstaller (3ème civ., 9 novembre 1977).
Ainsi, selon la jurisprudence :
- si le bailleur est tenu d’indemniser le preneur évincé d’un fonds non transférable des frais de déménagement et de réinstallation à exposer pour l’acquisition d’un fonds de même valeur, cette indemnité n’est pas due s’il est établi que le preneur ne se réinstallera pas dans un autre fond (3ème civ., 18 décembre 2012, n°11-23.273′; 3ème civ., n°11-28.899).
- Le bailleur est tenu d’indemniser des frais de réinstallation le preneur évincé d’un fonds non transférable, sauf s’il établit que le preneur ne se réinstallera pas dans un autre fond. (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 11 juillet 2019, 18-16.993)
En l’espèce, la locataire ne demande aucun montant au titre de l’indemnité principale, la question du caractère transférable du fond n’ayant pas été tranchée. Elle sollicite une provision à hauteur de 288.709,88 €
– au titre des frais de déménagement (déplacement de marchandises et de déchets ; frais d’intérimaires pour la mise en œuvre du déménagement),
– au titre d’un devis pour le réaménagement d’un nouveau local,
– au titre des frais salariaux liés au déménagement,
– au titre des frais de licenciement économique consécutifs à la résiliation du bail.
Néanmoins, ces indemnités accessoires demeurent en lien, soit avec le caractère transférable ou non du fond, soit avec la question de la réinstallation du locataire.
Or, en l’espèce, la locataire, qui a fait le choix d’informer immédiatement ses clients de la fin de son bail, alors qu’elle avait la possibilité de se maintenir dans les lieux jusqu’à paiement de l’indemnité d’éviction, puis de quitter les locaux litigieux, indique, dans ses conclusions, qu’elle n’a trouvé aucune solution dans le même bassin géographique présentant les mêmes facilités de transit routier tri-national et qu’elle subit une perte totale de sa clientèle, de sorte que des doutes subsistent quant à sa réinstallation.
Ainsi, des doutes subsistent quant à sa réinstallation.
Dans ces conditions la nécessité d’exposer les frais réclamés ne s’impose pas avec une évidence suffisante pour faire droit à la demande provision du locataire, laquelle se heurte donc à une contestation sérieuse et doit être rejetée.
Cour d’appel, Colmar, 1re chambre, section A, 23 Avril 2025 – n° 24/01718