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Publié le 7 Déc 2025

Agent immobilier : Responsabilité du mandant et bon de visite

La signature d’un bon de visite doit être examinée pour déterminer si l’agent immobilier a droit à des dommages et intérêts sur la base du droit de suite prévu au mandat de vente.


1. Textes applicables

Article 1103 du Code civil

« Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »

Cette disposition fonde l’opposabilité du mandat et du bon de visite signé : le mandant ne peut s’affranchir des engagements librement souscrits.

Article 1998 du Code civil

« Le mandant est tenu d’exécuter les engagements contractés par le mandataire, conformément au pouvoir qui lui a été donné. »

Le mandant doit respecter les clauses du mandat, notamment celles interdisant de traiter en direct ou via un tiers.

Pour mémoire, en application de l’article 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 et des articles 72 et 73 du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, seul le mandat de vente ou de recherche confié à l’agent immobilier peut justifier légalement sa rémunération.

En d’autres termes, l’agent immobilier ne peut demander ou recevoir, directement ou indirectement, aucune autre somme, à titre de rémunération, de commission ou de réparation s’il n’est pas titulaire d’un mandat.

  • Le bon de visite, lorsqu’il est signé, matérialise la présentation du bien.
  • La violation de la clause d’interdiction de traiter pendant la durée du mandat + période post-mandat peut entraîner des dommages-intérêts.

2. La valeur du bon de visite selon la jurisprudence

La Cour de cassation considère que :

  • un bon de visite ne vaut pas mandat (Cass. 1re civ., 6 oct. 1993, 2 arrêts : Bull. civ. I, n° 266 et 267. – Cass. 1re civ., 28 nov. 2000, n° 97-18.684 ; Cass. 1re civ., 27 avr. 2004, n° 01-13.868 ; CA Montpellier, ch. 1, sect. B, 24 mai 2005, n° 04/01697

3. Analyse détaillée de l’arrêt du 27 novembre 2025

Dans cette affaire, un mandant avait confié à l’agent immobilier un mandat de recherche portant sur un hôtel à Paris, assorti d’un droit de suite interdisant de traiter directement ou via un tiers pendant la durée du mandat et pendant les 12 mois suivant son expiration.

Faisant valoir que l’immeuble qui avait été présenté à M. [E] avait été acquis par l’entremise d’un autre agent immobilier, le 15 mai 2018, par une société dont il était associé, l’agent immobilier l’a assigné en dommages-intérêts.

La Cour de Cassation confirme d’abord que l’agent immobilier ne peut se voir attribuer des dommages-intérêts que s’il rapporte la preuve d’une faute du mandant l’ayant privé de la réalisation de la vente compte tenu des diligences accomplies.

Cependant, et c’est sur ce point que va venir la censure, puisque la Cour d’appel pour exclure l’application du droit de suite considère que lorsque l’agent immobilier a informé l’acquéreur que le bien litigieux était à vendre, une offre d’achat avait été acceptée par le vendeur, de sorte que le bien n’était plus disponible et que, si l’acquéreur avait, à sa demande, adressé une offre d’achat au vendeur, celle-ci avait été faite sous réserve de la visite de l’hôtel et de l’étude des pièces du dossier, ce qui établit qu’aucune diligence utile n’a été accomplie en dehors de la fourniture d’un état descriptif sommaire du bien.

Or, après avoir constaté, que le mandant s’interdisait, en son nom ou sous la forme de toute société dans laquelle il aurait une participation, de traiter directement ou par l’intermédiaire d’un autre mandataire pendant le cours du mandat ainsi que pendant les douze mois suivant l’expiration ou la résiliation de celui-ci, avec un vendeur dont le bien lui aurait été présenté par le mandataire ou un mandataire substitué, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si l’agent immobilier n’avait pas fait visiter le bien litigieux à l’acquéreur, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

Ainsi, la Cour de Cassation censure la Cour d’appel qui n’a pas recherché si le mandant l’acquéreur avait effectivement visité le bien par l’intermédiaire de l’agent immobilier, alors que :

  • un bon de visite signé lui avait été soumis,
  • l’interdiction de contracter via un tiers figurait expressément dans le mandat,
  • le mandant avait finalement acquis ce même bien par l’intermédiaire d’une autre agence.

Cette omission prive la décision d’une base légale : le bon de visite pouvait établir, à lui seul, que l’agent avait accompli une diligence utile et ouvrir droit au paiement de dommages et intérêts.

Ainsi, la signature de ce document constitue potentiellement une preuve décisive que :

  • le bien a été effectivement présenté,
  • l’agent immobilier a accompli une diligence utile,
  • et, par suite, que l’opération réalisée par un autre intermédiaire pendant et après le mandat peut engager la responsabilité du mandant.

L’arrêt renforce donc la portée contractuelle du bon de visite et la sécurité juridique de l’agent immobilier.

Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 27 novembre 2025 n°23-18.011


FAQ

Le bon de visite suffit-il à établir la présentation du bien ?

Oui. Lorsqu’il est signé, il constitue une preuve matérielle et opposable de présentation du bien.

Lacquéreur peut-il acheter via une autre agence après une visite ?

Non, si le mandat est exclusif ou s’il contient une clause d’interdiction : l’acquisition “par contournement” engage sa responsabilité sauf en cas de pris différent selon certaines décisions.

Le juge peut-il ignorer le bon de visite ?

Non. Il doit expressément l’examiner lorsqu’il est déterminant

Quel risque pour le mandant qui contourne l’agent ?

Le risque est financier :

ou paiement forcé des honoraires prévus au contrat.

dommages-intérêts,

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