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Publié le 29 Août 2021

Action oblique du copropriétaire et du SDC en résiliation du bail

Tout copropriétaire ou syndicat des copropriétaires peut demander la résiliation du bail commercial dès lors que le preneur ne respecte pas les obligations du règlement de copropriété.

Récemment, la Cour de Cassation a statué sur cette question en rappelant que les copropriétaires sont recevables à exercer, en lieu et place du bailleur, une action oblique en résiliation de bail commercial à l’encontre de la société locataire et peut l’obtenir (Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 8 avril 2021 n°20-18.327).

Il est admis qu’un syndicat de copropriétaires a, en cas de carence du copropriétaire-bailleur, le droit d’exercer l’action oblique en résiliation du bail dès lors que le locataire contrevient aux obligations découlant de celui-ci et au règlement de copropriété et que ses agissements causent un préjudice aux copropriétaires.

Par ailleurs, le règlement de copropriété ayant la nature d’un contrat, chaque copropriétaire a le droit d’en exiger le respect par les autres (Cass. 3e civ., 22 mars 2000, n° 98-13.345, Bull. civ., III, n° 64) de sorte que, titulaire de cette créance, tout copropriétaire peut, à l’instar du syndicat des copropriétaires, exercer les droits et actions du copropriétaire-bailleur pour obtenir la résiliation d’un bail lorsque le preneur méconnaît les stipulations du règlement de copropriété et du bail.

L’exercice de l’action oblique suppose la carence du débiteur.

En l’espèce, l’action en résiliation du bail commercial intentée par le syndicat des copropriétaires et un couple de copropriétaires est recevable.

Le bailleur n’a fait aucune diligence depuis la dénonciation des nuisances olfactives et sonores émanant de son locataire, exploitant un pressing.

Il ressort du rapport d’expertise judiciaire que les troubles générés par l’exploitation du pressing excèdent les inconvénients normaux du voisinage. Les émanations de perchloroéthylène au niveau de l’appartement situé au-dessus du commerce présentent des concentrations supérieures à la valeur guide réglementaire et les émergences sonores sont supérieures aux normes réglementaires.

Ces nuisances ont été subies par les copropriétaires voisins de 2013 à 2018.

Il y a là une violation grave et réitérée par le locataire à son obligation de jouissance paisible des lieux loués, justifiant la résiliation judiciaire du bail.

Le bailleur et son locataire sont responsables in solidum des dommages causés aux copropriétaires et au syndicat de copropriété.

Le bailleur a manqué à son obligation de délivrance, puisque les locaux n’étaient pas conformes à la destination contractuelle (nombreuses fissures dans le plafond du pressing, trou de plusieurs centimètres à proximité de la machine de nettoyage à sec, conduit d’extraction du pressing placé sous les fenêtres des appartements donnant sur la cour arrière de l’immeuble).

Il est responsable des dommages à hauteur de 70 pour-cent. Le locataire a manqué à son obligation de ne pas troubler la jouissance des occupants de l’immeuble et c’est son activité qui a causé les nuisances.

Il est responsable des dommages à hauteur de 30 pour-cent.

Concernant le préjudice subi par les copropriétaires occupant l’appartement situé au-dessus du pressing, ils ont subi les nuisances pendant 62 mois.

Le préjudice de jouissance est évalué à 25 pour-cent de la valeur locative de l’appartement, soit 49 600 euros.

Le préjudice moral est également important puisque ces copropriétaires et leurs trois enfants ont été exposés pendant plusieurs années à des produits toxiques et dangereux pour la santé, le perchlorohétylene étant classé comme cancérogène probable, ce qui a été une source d’anxiété sur le devenir de leur santé. Ils ont été également exposés à des nuisances sonores pendant plusieurs années de nature à perturber leur vie quotidienne.

En outre, ils ont dû faire face aux tracas de la procédure qu’ils ont été contraints d’initier avec le syndicat des copropriétaires. Le préjudice moral est évalué à 8000 euros pour chacun des époux.

Le préjudice subi par le syndicat des copropriétaires est en revanche limité. La preuve n’est pas apportée d’une dépréciation de l’immeuble et les troubles ont cessé avec l’expulsion du locataire. Le seul préjudice est celui constitué par le suivi des travaux à réaliser par le bailleur sur le plafond du local et la vérification de leur conformité. Ce préjudice est évalué à 2000 euros.

(Cour d’appel, Paris, Pôle 5, chambre 3, 30 Juin 2021 – n° 20/05235)

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