Le locataire à bail commercial peut se prévaloir d’une exception d’inexécution pour refuser, à compter du jour où les locaux sont, en raison du manquement du bailleur à ses obligations, impropres à l’usage auquel ils étaient destinés, d’exécuter son obligation de paiement des loyers sans être tenu de délivrer une mise en demeure préalable.
1/ Textes légaux applicables
- Article 1719 du Code civil : le bailleur est tenu de délivrer la chose louée, de l’entretenir et d’en faire jouir paisiblement le preneur.
- Article 1728 du Code civil : le preneur doit payer le prix du bail et user de la chose conformément à sa destination.
- Article 1184 ancien du Code civil : tout contrat synallagmatique contient une condition résolutoire tacite en cas d’inexécution.
- Articles 1219 et 1220 du Code civil : la partie peut refuser d’exécuter son obligation si l’autre n’exécute pas la sienne, lorsque cette inexécution est suffisamment grave.
👉 Principe : le non-respect par le bailleur de ses obligations essentielles permet au locataire d’invoquer l’exception d’inexécution pour suspendre le paiement du loyer dès lors qu’il en rapporte la preuve.
2/ Jurisprudences applicables
La jurisprudence a considéré que:
- le juge doit vérifier si les désordres rendaient effectivement les locaux impropres à l’usage prévu pour admettre l’exception d’inexécution (Cass. 3e civ., 27 juin 2024, n° 23-10.340).
- l’exception d’inexécution doit être admise lorsque les locaux sont devenus inutilisables en raison d’un désordre structurel non réparé (CA Paris, 3 octobre 2024, n° 24/011459).
- si les locaux loués ne sont pas rendus impropres à leur destination et peuvent être exploités, même en cas d’infiltrations, le bailleur ne manque pas à son obligation de délivrance et le preneur ne peut pas opposer l’exception d’inexécution et obtenir la consignation des loyers. (Cass. 3e civ., 6 juill. 2023, n° 22-15.923).
- Si le locataire peut encore utiliser les lieux selon leur destination, il ne peut se soustraire au paiement des loyers (Cour de cassation, 3e chambre civile, 10 Octobre 2024 n° 22-24.395 ; Cour de cassation, 3e chambre civile, 7 Juillet 2016 n° 15-16.097).
Principe : l’exception ne joue qu’en cas d’impropriété réelle des locaux à leur destination contractuelle.
3/ Analyse des faits
- 15 novembre 2011 : conclusion d’un bail commercial entre la société bailleresse et la locataire.
- 2016 : litige né du non-paiement des loyers. La locataire oppose l’exception d’inexécution.
- 21 mars 2023 : la Cour d’appel de Fort-de-France exige une mise en demeure préalable.
- 3 juin 2021 (Cass. 3e civ., n° 19-18.489) : cassation de cette décision, la Haute juridiction rappelant que l’exception d’inexécution n’exige pas de mise en demeure préalable.
Conclusion
La jurisprudence confirme que le locataire commercial peut suspendre le paiement de ses loyers dès lors que les locaux sont rendus impropres à l’usage prévu par la faute du bailleur, sans qu’une mise en demeure préalable soit nécessaire.
Toutefois, la gravité du manquement doit être démontrée : une simple gêne ou des désordres mineurs ne suffisent pas.
Cour de cassation, 3e chambre civile, 18 Septembre 2025 n° 23-24.005
En bref
Le locataire d’un bail commercial peut invoquer l’exception d’inexécution pour suspendre le paiement du loyer sans mise en demeure, si les locaux deviennent impropres à leur destination en raison d’un manquement du bailleur.
FAQ
➡️ Le locataire doit-il toujours mettre en demeure son bailleur avant de suspendre le paiement ?
Non, dès lors que les locaux sont impropres à leur usage, aucune mise en demeure n’est exigée.
➡️ Tous les désordres justifient-ils l’exception d’inexécution ?
Non, seuls ceux rendant les locaux totalement ou partiellement inexploitables.
➡️ Que risque le locataire si l’exception n’est pas admise ?
Il reste redevable des loyers impayés et peut s’exposer à la résiliation du bail.