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Publié le 7 Juil 2024

Bail commercial : Impayés et locaux rendus impropres à leurs usages

La Cour de Cassation rappelle, d’une part, que pour cesser de payer les loyers d’un bail commercial, les locaux loués doivent être rendus impropres à leur usage, d’autre part, qu’il n’est pas possible de se fonder sur un rapport d’expertise réalisé unilatéralement pour rendre d’une décision, et enfin, même en l’absence de décompte du bailleur le juge doit évaluer le montant des sommes dues.

En l’espèce, le 3 mai 2017, la société civile immobilière Les Alpilles (la bailleresse) a donné à bail à la société Pro Soccer 5 (la locataire) des locaux commerciaux destinés à l’exercice d’une activité de football en salle.

Le 17 janvier 2018, la locataire a informé la bailleresse d’infiltrations réitérées en provenance de la toiture affectant son activité commerciale.

Après exécution de travaux, la bailleresse a, le 25 juillet 2018, signifié à la locataire un commandement, visant la clause résolutoire insérée au bail, de payer le loyer du troisième trimestre 2018.

Le 24 août 2018, la locataire et son dirigeant, M. [C], ont assigné la bailleresse en opposition au commandement susvisé et en indemnisation de leurs préjudices.

Le locataire a obtenu gain de cause devant la cour d’appel et le bailleur s’est pourvu en cassation.

La Cour de cassation a été amené à statuer sur 3 questions:

  • l’exception d’inexécution
  • le principe du contradictoire
  • déni de justice pour ne pas avoir évalué les sommes dues au bailleur

1- Sur l’exception d’inexécution

Pour mémoire, selon l’article 1219 du code civil, une partie peut refuser d’exécuter son obligation si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

Pour rejeter les demandes de la bailleresse, l’arrêt retient qu’il résulte des éléments produits que celle-ci a manqué à son obligation de délivrance et que, s’agissant de l’obligation principale du bailleur, la locataire a valablement opposé l’exception d’inexécution, en refusant de régler l’intégralité des loyers et de la taxe d’habitation.

En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les infiltrations alléguées avaient rendu les locaux loués impropres à l’usage auquel ils étaient destinés, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

2- Sur le respect du principe du contradictoire

Pour mémoire, il résulte de l’article 16 du Code de procédure civile que le juge ne peut se fonder sur un rapport d’expertise réalisé unilatéralement à la demande d’une partie que si ce rapport a été soumis à la libre discussion des parties et est corroboré par d’autres éléments de preuve.

Pour condamner la bailleresse à payer une certaine somme au titre du préjudice financier subi par la locataire, l’arrêt retient que les données de l’analyse réalisée par l’expert-comptable commis par celle-ci sont pertinentes et ne peuvent qu’être reprises, n’étant remises en cause par aucun autre élément.

En statuant ainsi, la cour d’appel, qui s’est exclusivement fondée sur le rapport d’une expertise réalisée unilatéralement à la demande de l’une des parties, a violé le texte susvisé.

3- Sur le déni de justice

Pour mémoire, il résulte de l’article 4 du Code civil que le juge ne peut refuser d’évaluer le montant d’une créance dont il constate l’existence en son principe.

Pour rejeter la demande de la bailleresse en paiement de certaines sommes aux titres des loyers, charges et indemnités dus au 10 octobre 2020 et des indemnités de retard, l’arrêt retient que la bailleresse n’ayant pu produire de décompte de sa créance, la cour d’appel n’est pas dans la capacité d’apprécier le montant de la créance retenue par le premier juge et qu’aucune autre pièce ne permet de calculer les sommes restant dues par la locataire.

En statuant ainsi, en refusant d’évaluer le montant d’un dommage dont elle constatait l’existence en son principe, la cour d’appel a violé le texte susvisé.

Cour de cassation, 3e chambre civile, 27 Juin 2024 n° 23-10.340

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