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Publié le 12 Oct 2025

Bail commercial : sous-location interdite et contrat de prestations de services

Dans le cadre d’un bail commercial, le locataire qui met les locaux loués à la disposition de tiers, même sous couvert de contrats de prestations de services, commet une sous-location non autorisée constituant un motif grave et légitime privant du droit à indemnité d’éviction.


1. Textes légaux applicables

L’article L. 145-31 du Code de commerce dispose que :

« Sauf stipulation contraire au bail ou accord du bailleur, toute sous-location totale ou partielle est interdite. En cas de sous-location autorisée, le propriétaire est appelé à concourir à l’acte (…). Lorsque le loyer de la sous-location est supérieur au prix de la location principale, le propriétaire a la faculté d’exiger une augmentation correspondante du loyer de la location principale (…). »

L’article L. 145-17 du Code de commerce prévoit, par ailleurs, que :

« Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail sans être tenu au paiement d’une indemnité d’éviction, s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire sortant. »

Ces dispositions imposent donc une double obligation au locataire :

  • obtenir l’autorisation préalable du bailleur avant toute sous-location,
  • et appeler ce dernier à concourir à l’acte de sous-location, à peine de résiliation du bail ou de perte du droit à indemnité d’éviction.

2. Jurisprudences applicables

La Cour de cassation considère de manière constante que le concours du bailleur à l’acte de sous-location est indispensable, même en présence d’une autorisation de principe. (Cass. 3e civ., 27 sept. 2006, n° 05-14.700)

Le défaut de concours du bailleur justifie la résiliation du bail. (Cass. 3e civ., 22 févr. 2006, n° 05-12.032 ; Cass. 3e civ., 6 oct. 2016, n° 15-19.487)

La Cour de cassation n’exerce pas de contrôle sur l’appréciation de la gravité de la faute laissée à la souveraineté des juges du fond. (Cass. 3e civ., 29 avril 1989)

Ainsi, certaines juridictions ont considéré que l’omission d’appeler le bailleur à concourir à l’acte ne constitue pas toujours une faute suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail. (CA Paris, 16e ch. B, 13 févr. 1997 ; CA Toulouse, 2e ch., sect. 1, 13 février 2002, n° 2000/05571)


3. Analyse des faits

En l’espèce, la société MC Immobilier, titulaire d’un bail commercial du 8 mars 2016 renvoyant au bail d’origine du 2 mai 1985, s’était engagée à ne pas sous-louer les locaux, même partiellement, ni les prêter à des tiers.

La bailleresse, la société LJL, a découvert que sa locataire mettait à disposition les locaux loués pour des “tests de magasins clés en main”, via des contrats de prestations de services conclus avec des sociétés tierces, telles que [L] SA ou Trade and Factory.

L’analyse de ces contrats a démontré que :

  • la mise à disposition des locaux constituait la prestation principale,
  • les autres prestations (communication, assurance, wifi) n’étaient que des accessoires,
  • et que la jouissance des lieux était transférée temporairement à ces sociétés tierces, en contrepartie d’une rémunération.

Les juges ont constaté que la société MC Immobilier avait ainsi procédé à plusieurs mises à disposition successives, sans jamais appeler la bailleresse à concourir à ces actes, ni produire les contrats correspondants.

En conséquence, les prétendus contrats de prestation de services ont été requalifiés en sous-locations prohibées.


4. Décision de la cour

La Cour d’appel de Paris confirme que :

  • la mise à disposition répétée des locaux à des tiers, sans autorisation préalable du bailleur ni concours à l’acte,
  • constitue un manquement grave et irréversible du locataire à ses obligations,
  • justifiant le refus d’indemnité d’éviction prévu à l’article L. 145-14 du Code de commerce,
  • et l’expulsion de la société locataire.

La société MC Immobilier est ainsi déclarée occupante sans droit ni titre à compter du 1er janvier 2020.


Conclusion

Le locataire ne peut contourner l’interdiction de sous-louer en concluant de prétendus contrats de prestation de services qui transfèrent en réalité la jouissance des lieux à des tiers.
De tels agissements, répétés et non autorisés, constituent un motif grave et légitime justifiant le refus d’indemnité d’éviction et la résiliation du bail commercial.

Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 3, 25 septembre 2025 – n° 22/01617


En bref

La sous-location déguisée sous forme de contrat de prestations de services reste prohibée.
Le bailleur n’a pas à démontrer une mauvaise foi du locataire : il suffit que la jouissance des locaux ait été transférée à des tiers sans autorisation ni concours du bailleur.


FAQ

➡️ Le bailleur doit-il mettre en demeure le locataire avant de refuser l’indemnité d’éviction ?
Non. La mise en demeure prévue à l’article L. 145-17 n’est pas requise lorsque le manquement du locataire – ici, l’absence d’appel du bailleur à concourir à la sous-location – présente un caractère irréversible.

➡️ Un contrat de prestation de services peut-il valoir sous-location ?
Oui, dès lors qu’il transfère la jouissance du bien loué à un tiers, même temporairement, contre rémunération.

➡️ Le bailleur peut-il refuser le renouvellement du bail dans un tel cas ?
Oui. La sous-location non autorisée constitue un motif grave et légitime justifiant le refus du renouvellement sans indemnité d’éviction.

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