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Publié le 28 Sep 2025

Résiliation pour impayés : le juge doit vérifier la régularisation des charges locatives avant de fixer l’arriéré

Le principe : lorsque la résiliation judiciaire du bail est demandée pour impayés, le juge doit contrôler la régularisation annuelle des charges et la justification des sommes réclamées.A défaut, le bail ne peut pas être résilié.

1/ Textes légaux

L’article 1184 ancien du Code civil prévoit que dans les contrats synallagmatiques, l’inexécution suffisamment grave peut entraîner la résolution judiciaire.
→ En matière locative, la résiliation pour impayés suppose un arriéré certain, donc un calcul des loyers et charges juridiquement fondé.

L’article 23 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 prévoit que :

(i) les charges locatives sont exigibles sur justification, avec provisions pouvant être régularisées au moins annuellement ;

(ii) 1 mois avant la régularisation, le bailleur communique le décompte par nature de charges et, en immeuble collectif, le mode de répartition ;


(iii) pendant 6 mois, les pièces justificatives sont tenues à disposition du locataire.

→ En pratique : le bailleur ne peut obtenir la condamnation d’un arriéré de charges qu’en prouvant la communication/mise à disposition des pièces et la régularisation sur la période considérée.

2/ Jurisprudences applicables

1. Sur la preuve et la justification des charges

  • Le bailleur doit toujours justifier le montant et le caractère récupérable des charges, même si le locataire les a payées sans réserve (Cass. 3e civ., 19 janv. 2000, n° 98-12.658).
  • La charge de la preuve des charges récupérables pèse exclusivement sur le bailleur (Cass. 3e civ., 22 mai 2013, n° 12-17.214).
  • Sans justification régulière, le bailleur ne peut obtenir le paiement des provisions contestées (Cass. 3e civ., 10 juill. 2007, n° 06-15.790).
  • Le bailleur doit mettre les pièces justificatives à disposition du locataire, conformément à l’article 23 de la loi de 1989 (Cass. 3e civ., 1er avr. 2009, n° 08-14.854 ; Cass. 3e civ., 20 janv. 2009).

2. Sur la sanction du défaut de régularisation

  • Une décision judiciaire condamnant un locataire au paiement des charges est privée de base légale si la cour ne constate pas que le bailleur a communiqué le mode de répartition des charges (Cass. 3e civ., 13 juill. 2005, n° 04-10.152).
  • Le bailleur qui omet la régularisation annuelle des charges manque à ses obligations et peut voir sa demande en paiement rejetée (Cass. 3e civ., 8 déc. 2010, n° 09-71.124).

3. Sur la régularisation tardive

  • Une régularisation opérée plusieurs années après constitue une faute : le bailleur ne peut réclamer des arriérés sans justification complète (CA Montpellier, 1re ch., 3 déc. 2019, n° 18/00449).

3/ Analyse des faits

Depuis une révision de loyer en 2014, la locataire devait 963,11 €/mois (808,11 € de loyer + 155 € de provisions).

Les ayants droit du bailleur produisaient des charges de copropriété : 990,82 € (avr.–déc. 2016), 1 438,89 € (2017), 1 611,95 € (2018) et des TEOM : 208 € (2016) et 2 011 € (2018). Pour la période avril 2016 → septembre 2020, la cour d’appel a retenu 52 007,94 € dus, 43 825,68 € payés, donc un arriéré de 8 601,26 €, et a prononcé la résiliation.

La Cour de cassation (18 septembre 2025, n° 23-21.899) casse la décision de la cour car elle aurait dû rechercher si les provisions réclamées jusqu’en septembre 2020 avaient été régularisées, puis fixer l’arriéré distinctement au titre du loyer et des charges, après vérification des justificatifs (article 23). À défaut, la décision est privée de base légale.

4/ Conclusion

En matière de résiliation pour impayés, la créance doit être certaine : sans régularisation et justificatifs conformes à l’article 23, l’arriéré de charges ne peut être retenu. Les bailleurs ont intérêt à régulariser annuellement, communiquer le décompte et tenir les pièces à disposition ; les locataires peuvent exiger ces formalités avant toute condamnation.

Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 18 septembre 2025, n° 23-21.899

En bref

Le juge ne peut prononcer la résiliation pour impayés qu’après vérification de la régularisation annuelle et des justificatifs des charges ; à défaut, la décision manque de base légale (Cass. 3e civ., 18 sept. 2025, n° 23-21.899).

FAQ

Le bailleur doit-il remettre des copies des justificatifs ?
Non. Il doit les tenir à disposition « dans des conditions normales » pendant 6 mois ; le locataire peut venir les consulter.

Peut-il réclamer des charges s’il n’a pas régularisé chaque année ?
Oui, en produisant les justificatifs dans la limite de 3 ans (art. 7-1).

Que se passe-t-il si les pièces ne sont pas tenues à disposition ?
Le bailleur ne peut pas obtenir la condamnation au paiement des arriérés de charges.

Une régularisation « globale » est-elle admise ?
Non : elle doit refléter les dépenses effectivement payées ; les régularisations approximatives sont écartées.

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