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Publié le 28 Sep 2025

Prescription biennale et notification du mémoire : quand la LRAR non retirée interrompt (quand même) le délai

En matière de bail commercial, l’action en fixation du loyer du bail renouvelé se prescrit par deux ans à compter de la date d’effet du bail renouvelé. La notification du mémoire a un effet interruptif , y compris lorsque le recommandé n’est pas retiré. Le délai repart alors pour deux ans.

1/ Textes légaux (rappel des principes)

L’article L. 145-60 du Code de commerce prévoit que toutes les actions exercées en vertu du chapitre V relatif au bail commercial se prescrivent par deux ans.

L’article 33 du décret du 30 septembre 1953 ajoute que la notification du mémoire prévu à l’article R. 145-23 du Code de commerce interrompt la prescription.

Il en résulte deux principes essentiels :

  • le délai de deux ans court à compter de la date d’effet du nouveau bail,
  • la notification du mémoire suffit à interrompre la prescription, peu important que le preneur n’ait pas retiré la lettre recommandée.

2/ Jurisprudences applicables

  • Le point de départ de la prescription de l’action en fixation du prix d’un bail commercial renouvelé se situe à la date de prise d’effet du nouveau bail en cas d’acceptation du principe de renouvellement par le bailleur avant cette date. (Cass. 3e civ., 30 juin 2004, n° 03-10.661 ; confirmée : Cass. 3e civ., 20 oct. 2016, n° 15-23.522).
  • Effet interruptif du mémoire : la notification du mémoire R. 145-23 interrompt la prescription de toute action tendant à la fixation judiciaire du loyer du bail renouvelé ; précision : cet effet interruptif opère dans le cadre de la procédure devant le juge des loyers commerciaux. (Cass. 3e civ., 25 janv. 2023, n° 21-20.009
  • Cas “non réclamée” complétée par signification : Interrompt le délai de prescription de l’action en fixation du prix du bail renouvelé la notification d’un mémoire par l’envoi, avant l’expiration du délai biennal, d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception, peu important que la remise du mémoire à son destinataire intervienne après l’expiration du délai de prescription (Cass. 3e civ., 17 oct. 2012, n° 11-21.646).

3/ Analyse des faits

Le bailleur a délivré un congé avec offre de renouvellement pour le 30 septembre 2019. Avant d’assigner, il a notifié son mémoire à la société locataire le 23 septembre 2021, à l’adresse du siège social. La lettre recommandée (avisée le 27 septembre 2021) n’a pas été retirée.

La locataire soutenait qu’un incendie (1ᵉʳ janvier 2021) et des travaux l’empêchaient matériellement d’accéder au courrier. Mais elle n’apportait aucune preuve qu’au 27 septembre 2021 elle était dans l’impossibilité de prendre possession de la LRAR. À l’inverse, le bailleur justifiait d’un envoi dans le délai biennal (avant 30 septembre 2021).

Appliquant la jurisprudence, la Cour retient que c’est l’envoi du mémoire par LRAR qui produit l’effet interruptif (dans le circuit du juge des loyers), sans que le destinataire puisse devenir maître des effets de la notification en s’abstenant de la retirer. L’action en fixation du loyer renouvelé est donc recevable.

4/ Conclusion

La solution s’inscrit dans la ligne constante :

  • le délai biennal court à compter de la date d’effet du bail renouvelé ;
  • la notification du mémoire interrompt la prescription, même si la LRAR n’est pas retirée, dès lors que le destinataire pouvait la retirer et que l’affaire est portée devant le juge des loyers (précision 25 janv. 2023).
    Pratiquement, le bailleur doit sécuriser la notification (LRAR + éventuellement signification) à l’adresse juridiquement pertinente (siège social).

Cour d’appel, Bordeaux, 4e chambre commerciale, 3 Septembre 2025 n° 24/04572


En bref

  • Point de départ : date d’effet du bail renouvelé.
  • Interruption : notification du mémoire R. 145-23 (procédure devant le juge des loyers).
  • LRAR non retirée : l’interruption demeure si le destinataire pouvait la retirer / ou si une remise effective la complète.

FAQ

➡️ Le preneur peut-il bloquer l’interruption en ne retirant pas la LRAR ?
Non. Si le preneur pouvait la retirer, la notification est tenue pour accomplie (et la prescription interrompue).

➡️ La notification du mémoire interrompt-elle toujours la prescription ?
Oui mais dans le cadre de la procédure du juge des loyers (précision Cass. 25 janv. 2023).

➡️ Quand commence à courir le délai de 2 ans ?
À la date d’effet du bail renouvelé (ex. lendemain de l’échéance visée au congé avec offre).

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