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Publié le 20 Sep 2010

Obtenir une diminution de loyer

Le présent article a pour objet de rappeler les différentes hypothèses dans lesquelles le titulaire d’un bail commercial peut obtenir une diminution de son loyer.

Il arrive parfois que les parties s’entendent sur un loyer plus important que la valeur locative à l’occasion de la conclusion d’un bail. Le bailleur doit savoir qu’il s’expose à une diminution de loyer en cours de bail ou lors de son renouvellement. De son côté, le preneur doit savoir qu’il peut obtenir une diminution de son loyer.

La présente étude permet de faire le point sur les différentes hypothèses dans lesquelles une diminution du loyer peut être obtenue.

Il convient de rappeler que lors de la conclusion du bail commercial, les parties peuvent fixer librement le montant du loyer. et ne sont pas tenues à se référer par exemple aux éléments constitutifs de la valeur locative.

En pratique, il est toutefois préférable que les parties se réfèrent à la valeur locative car si les parties retiennent un loyer surélevé, les risques de réduction ultérieure du loyer sont plus importants. Les praticiens doivent veiller à avertir le bailleur de ce risque. En effet, le risque d’une diminution de loyer existe tant en cours de bail qu’au moment de son renouvellement.

I – LA DIMINUTION DU LOYER EN COURS DE BAIL

En cours de bail, le loyer peut varier soit en vertu de la révision triennale visée à l’article L. 145-38 du Code de commerce, soit en vertu d’une clause d’échelle mobile appelée également clause d’indexation visée à l’article L. 145-39 du code de commerce.

A – La diminution du loyer à l’occasion de la révision triennale

La révision triennale du loyer peut être demandée non seulement à l’initiative du bailleur mais également à l’initiative du locataire si par exemple celui-ci peut obtenir une baisse du loyer (C. com., art. L. 145-37).

Les données du problème ne sont pas les mêmes selon qu’il y a eu ou non modification matérielle des facteurs locaux de commercialité.

1) En l’absence de variation des facteurs locaux de commercialité

C’est dans cette hypothèse que la loi MURCEF est venue contrecarrer la jurisprudence de la Cour de cassation.

* La jurisprudence de la Cour suprême applicable jusqu’à la loi MURCEF

En vertu du fameux arrêt Privilèges du 24 janvier 1996 rendu par troisième Chambre civile de la Cour de cassation : le prix du bail révisé en application de l’article 27 du décret du 30 septembre 1953 (devenu le nouvel article L. 145-38 du Code de commerce) ne peut, en aucun cas, excéder la valeur locative…( Cass. 3e civ., 24 janv. 1996 : Bull. civ. 1996, III, n° 24 )

Ultérieurement la troisième Chambre civile de la Cour de cassation a confirmé sa jurisprudence (Cass. 3e civ., 19 avr. 2000 Bull. civ. 2000, III, n° 82).

En conséquence, le locataire pouvait exiger lors de la révision triennale, la fixation du loyer à la plus faible des deux sommes que constituait la valeur locative ou le loyer plafonné selon le jeu de l’indexation et ce même en l’absence de toute modification matérielle des facteurs locaux de commercialité.

La loi MURCEF a mis fin à cette jurisprudence.

Toutefois, les juges du fond et notamment la Cour d’appel de Paris tentaient de résister à cette jurisprudence (CA Paris, 16e ch. A, 2 mai 2001. – CA Paris, 16e ch. B, 4 mai 2001 : Loyers et copr. 2001, n° 150, obs. Ph.-H. Brault. – CA Paris, 16e ch. A, 4 juill. 2001 : Loyers et copr. 2001, n° 630, obs. Ph.-H. Brault).

* La loi MURCEF du 11 décembre 2001

La loi MURCEF est venue modifier le 3e alinéa de l’article L. 145-38 du Code de commerce. Le nouveau texte est rédigé de la manière suivante :

Par dérogation aux dispositions de l’article L. 145-33, et à moins que ne soit rapportée la preuve d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, la majoration ou la diminution de loyer consécutive à une révision triennale ne peut excéder la variation de l’indice trimestriel du coût de la construction intervenue depuis la dernière fixation amiable ou judiciaire du loyer.

On rappellera que l’article L. 145-33 vise les éléments permettant de déterminer la valeur locative (les caractéristiques du local, la destination des lieux, les obligations respectives des parties, les facteurs locaux de commercialité, les prix couramment pratiqués dans le voisinage).

Désormais, si cette valeur locative baisse, il ne sera plus possible pour le locataire d’obtenir une diminution du loyer à défaut de rapporter la preuve d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative.

2) En présence d’une variation des facteurs locaux de commercialité

Le loyer pourra être fixé à la valeur locative si est rapportée la preuve « d’une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative… » (C. com., art. L. 145-38, al. 3). Si la valeur locative s’avère être inférieure au loyer d’origine, le locataire pourra obtenir une baisse de son loyer.

La jurisprudence admet d’ailleurs que la révision puisse avoir lieu à l’initiative du preneur pour obtenir une baisse de son loyer lorsqu’il y a modification des facteurs locaux de commercialité (Cass. 3e civ., 11 mai 1982 : Rev. loyers 1983, p. 156, note Berthault. – V. également CA Lyon, 23 févr. 1989 : D. 1989, inf. rap. p. 82).

a) La preuve incombe au locataire

Mais la diminution du loyer suppose que le locataire soit en mesure de rapporter la preuve des conditions suivantes exigées pour obtenir le déplafonnement :

– il doit tout d’abord prouver qu’il s’agit d’une modification matérielle ;

– que cette modification matérielle a pour objet des facteurs locaux de commercialité ;

– que cette modification affecte le commerce exploité dans les locaux ;

– que cette modification a entraîné par elle-même une variation de la valeur locative de plus de 10 %.

En pratique il y a lieu de comparer la valeur locative au jour de la demande de la révision triennale avec la valeur locative au jour de la dernière fixation amiable ou judiciaire du loyer (CA Paris, 16e ch. A, 22 nov. 1994 : Loyers et copr. 1995, comm. 223 ).

– Enfin, la modification des facteurs locaux de commercialité doit être intervenue et avoir produit effet entre la date de prise d’effet du loyer à réviser et la date de la demande en révision.

On notera à cet égard que le montant du loyer fixé lors de la conclusion du bail ne doit pas ici être pris en compte car il ne correspond pas forcément à la valeur locative.

Il appartient au juge du fond d’apprécier souverainement si ces conditions sont bien remplies.

Le locataire ne peut certainement pas se contenter d’apporter la preuve de la baisse de la valeur locative de plus de 10 % ; en effet, cette baisse doit résulter d’une modification notable des facteurs locaux de commercialité et ne doit pas être due à la conjoncture générale.

En revanche, si la modification des facteurs locaux de commercialité a entraîné la baisse de la valeur locative de plus de 10 %, le locataire pourra obtenir une baisse de son loyer qui sera fixée à cette valeur locative (CA Paris, 16e ch. A, 27 nov. 2002 : Gaz. Pal. 2003, 1, somm. p. 1873 ).

On rappellera qu’en vertu de l’article L. 145-33 du Code de commerce, la valeur locative est déterminée en tenant compte :

– des caractéristiques du local considéré,

– de la destination des lieux,

– des obligations respectives des parties,

– des facteurs locaux de commercialité,

– et enfin des prix couramment pratiqués dans le voisinage.

En revanche, il n’est pas tenu compte lors de la révision des transformations effectuées par le locataire même si elles ont été autoriséeset ce même si une clause du bail en a transféré la propriété au profit du bailleur(Cass. com., 24 mai 1960 : Bull. civ. 1960, III, n° 196), à moins toutefois que la durée du bail ou le montant du loyer ait été fixé en fonction de ces travaux (Cass. com., 19 déc. 1961 : Bull. civ. 1961, III, n° 490).

Bien entendu, dans sa demande, le locataire devra bien indiquer les faits permettant de justifier sa demande de diminution du loyer. Il ne peut par exemple se contenter de demander une mesure d’instruction. En pratique, les juges demandent une expertise.

Ne sont également pas prises en compte les moins-values résultant de la gestion commerciale du locataire.

Il faut rappeler enfin que ces dispositions sont d’ordre public. Il ne serait pas possible d’y déroger par une clause dans le contrat de bail.

En revanche, il n’est pas interdit aux parties de se mettre d’accord en cours de bail sur un loyer moins important ou plus important. Les parties sont libres en effet de fixer le loyer comme elles l’entendent si bien entendu elles se sont bien mis d’accord.

b) La forme de la demande

La demande en révision du loyer à l’initiative du locataire (comme d’ailleurs celle à l’initiative du bailleur) doit être faite par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Enfin, la demande émanant du locataire (comme celle qui pourrait émaner du bailleur) ne sera possible que trois ans au moins après la date d’entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail renouvelé (C. com., art. L. 145-38, al. 2). S’il s’agit de la première demande en révision depuis la conclusion du bail, le point de départ du délai de trois ans est la date portée au bail pour l’entrée en jouissance.

S’il s’agit d’une deuxième demande en révision, le délai de trois ans aura pour point de départ la date de prise d’effet du précédent loyer.

c) Attention à la prescription biennale !

Le locataire qui entend demander la baisse de son loyer doit se montrer vigilant pour éviter la prescription de deux ans visée à l’article L. 145-60 du Code de commerce. Le délai de deux ans visé à cet article court à compter de la date de l’expédition de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou la date de la notification de l’acte extrajudiciaire. La notification du mémoire préalable à la saisine du juge interrompt toutefois cette prescription de deux ans.

B – La clause d’indexation et la baisse du loyer

Les parties peuvent très bien prévoir dans leur contrat de bail commercial une clause d’indexation appelée également « clause d’échelle mobile ».

Une telle clause peut être intéressante pour le propriétaire car elle permet l’augmentation du loyer avant l’expiration d’une période triennale. Ainsi, il est possible de prévoir une indexation annuelle. En outre, contrairement à la révision triennale, l’indexation joue de plein droit et le bailleur n’a pas besoin de la demander au locataire par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par exploitation d’huissier.

La modification du loyer se fait automatiquement et de plein droit. Si le locataire ne paie pas l’augmentation résultant de l’indexation, le bailleur peut le lui demander de manière rétroactive sous réserve toutefois de la prescription quinquennale visée à l’article 2277 du Code civil. Il en va tout différemment en matière de révision triennale.

Les clauses d’échelle mobile sont régies par les dispositions de l’article L. 145-39 du Code de commerce (D. 30 sept. 1953, anc. art. 28).

En effet, ce texte dispose :

En outre, et par dérogation à l’article L. 145-38, si le bail est assorti d’une clause d’échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire.

La « révision » à laquelle fait référence ce texte est différente de l’indexation. Il s’agit de la révision judiciaire qui permettra au juge de fixer le loyer à la valeur locative au jour de la demande.

Mais pour que cette demande puisse aboutir, encore faut-il que le loyer ait varié de plus du quart par rapport au loyer d’origine ou par rapport à la dernière « révision » et non par rapport à la dernière indexation.

Prenons un exemple concret :

– Loyer d’origine : 100 000 €

– Le loyer résultant de l’indexation en vertu de la clause d’échelle mobile s’élève à : 126 000 €.

– Dans ce cas, chacune des parties pourra demander au juge de fixer le loyer à la valeur locative puisque, dans cette hypothèse, le loyer a varié de plus d’un quart par rapport au loyer d’origine.

Si la valeur locative s’élève à 80 000 €, le locataire aura tout intérêt à se prévaloir de l’article L. 145-39 précité car, ce faisant, il obtiendra une diminution de son loyer.

Conseil au praticien :

Il est donc déconseillé de prévoir un indice qui peut varier trop vite car, dans ce cas, le retour à la valeur locative peut s’avérer néfaste au propriétaire si celle-ci s’avère inférieure au loyer indexé.

La jurisprudence à plusieurs reprises, a admis que la révision du loyer en vertu de l’article L. 145-39 pouvait permettre une diminution de celui-ci à un chiffre inférieur au loyer initial (Cass. 3e civ., 15 janv. 1992 : Bull. civ. 1992, III, n° 18).

On notera toutefois que la révision de l’article L. 145-39 ne comporte aucune limite ; il n’existe en la matière ni plafond ni plancher. Le loyer doit simplement être fixé à la valeur locative même si cela doit entraîner une réduction du loyer d’origine… Mais si la valeur locative est supérieure au jeu de l’indexation, ce sera cette dernière valeur qui profitera dans ce cas au propriétaire.

Quant à la forme et aux modalités de la demande en révision fondées sur l’article L. 145-39, il y a lieu de respecter les mêmes règles qu’en matière de révision triennale visée à l’article L. 145-38 précité.

II – LA DIMINUTION DU LOYER LORS DU RENOUVELLEMENT DU BAIL

Lors du renouvellement du bail, les parties ont toute liberté pour fixer le loyer d’un commun accord. En l’absence d’accord, il y a lieu de distinguer selon que le loyer est ou non déplafonné.

Si le loyer est plafonné, le locataire peut obtenir une diminution de son loyer lorsque la valeur locative est inférieure au plafonnement.

Lorsque le loyer est déplafonné, le locataire pourra également obtenir une diminution de son loyer si par exemple la valeur locative est inférieure au loyer d’origine.

A – La possibilité pour le locataire d’obtenir une diminution du loyer si la valeur locative est inférieure au loyer plafonné

En principe, le loyer du bail renouvelé est plafonné à l’indice du coût de la construction et ce conformément aux dispositions de l’article L. 145-34 du Code de commerce.

Mais la jurisprudence admet que le locataire puisse obtenir une dim
nution du loyer si la valeur locative est inférieure au loyer plafonné. En effet, pour la jurisprudence, le locataire peut exiger que le loyer soit fixé à la plus faible des deux sommes.

En conséquence, si le locataire refuse la règle résultant de l’indexation visée à l’article L. 145-34, le juge des loyers devra obligatoirement rechercher la valeur locative et fixer le loyer à cette valeur locative si celle-ci se révèle inférieure au loyer plafonné (Cass. 3e civ., 3 déc. 2003 : D. 2004, p. 639).

Cette jurisprudence résulte de la combinaison des articles L. 145-33 et L. 145-34 du Code de commerce. En effet, l’article L. 145-34 prévoit le plafonnement du loyer alors que l’article L. 145-33 pose le principe que le montant du loyer des baux renouvelés doit correspondre à la valeur locative. La combinaison de ces deux dispositions permet donc une baisse du loyer.

Il n’est pas rare que les cours d’appel oublient le principe posé par la Cour de cassation.

En pratique, si le locataire refuse de payer le loyer plafonné, la juridiction saisie devra d’office rechercher quelle est la valeur locative ; à cet égard, elle devra préciser tous les éléments pris en considération pour la déterminer.

La valeur locative doit s’apprécier à la date du renouvellement. Ici encore, on s’aperçoit que si le loyer est surévalué lors de la conclusion du bail, le bailleur s’expose à une diminution du loyer lors du renouvellement du bail si la valeur locative est inférieure au loyer plafonné.

B – Le locataire peut obtenir une diminution de son loyer si le loyer du bail renouvelé est déplafonné

Même si l’on se trouve dans l’un des cas de déplafonnement prévus par la loi, le locataire verra son loyer diminué si la valeur locative est inférieure audit loyer.

Si le loyer est déplafonné, le loyer du bail renouvelé peut dépasser la variation de l’indice du coût de la construction si la valeur locative est plus importante.

En effet, lorsque le plafonnement est écarté, le juge doit fixer le loyer à la valeur locative si bien entendu, les parties ne s’entendent pas sur le montant du loyer. Dans ce cas, la valeur locative va s’imposer même si celle-ci est inférieure au loyer du bail expiré.

On s’aperçoit en pratique que lorsque la valeur locative est inférieure au loyer du bail à renouveler, la diminution du loyer pourra être obtenue par le locataire et ce, qu’il existe ou non une cause de déplafonnement du loyer du bail renouvelé.

Encore une fois, les praticiens doivent rappeler à leur client bailleur qu’un loyer surévalué lors de la conclusion du bail pourra être revu à la baisse non seulement en cours de bail mais également lors du renouvellement du bail.. Toutefois, cette limite suppose non seulement l’absence de clause d’échelle mobile mais également l’absence de modification notable des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une variation de plus de 10 % de la valeur locative.

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