En matière de bail commercial, le bailleur doit informer le cédant dudit bail en cas d’impayés du cessionnaire. Cette obligation d’information du cédant en cas d’impayés est obligatoire, mais l’absence de notification dans le délai d’un mois prévu par la loi n’entraîne aucune sanction automatique
1. Information du cédant en cas d’impayés de loyers du cessionnaire
L’article L. 145-16-1 du Code de commerce impose au bailleur d’informer le cédant, dans le délai d’un mois, de tout défaut de paiement des loyers ou charges par le cessionnaire du bail commercial.
La décision de la Cour d’appel de Riom du 22 janvier 2025 confirme que cette obligation d’information ne constitue pas une condition de recevabilité de l’action contre le cédant, ni une cause automatique de déchéance de la garantie.
La Cour rappelle que l’article L. 145-16-1 ne prévoit aucune sanction spécifique, notamment aucune irrecevabilité de la demande du bailleur.
Elle souligne que le bailleur est seulement tenu de mettre en œuvre la garantie de bonne foi et dans le respect des stipulations contractuelles.
Ainsi, le cédant ne peut être déchargé de son obligation de garantie que s’il établit :
- une négligence fautive du bailleur dans le recouvrement de la créance,
- et un préjudice en lien direct, consistant en un accroissement anormal de la dette.
Dans l’affaire jugée, la Cour constate que plusieurs courriers recommandés avaient été adressés au cédant, démontrant les diligences du bailleur.
Le cédant n’apportant pas la preuve d’un préjudice ni d’une négligence, la Cour confirme sa condamnation solidaire.
Cette décision de 2025 confirme une tendance jurisprudentielle claire : l’information tardive ne suffit pas à exonérer le cédant. Seule compte la démonstration d’un préjudice directement causé par la carence du bailleur.
2. Jurisprudence applicable
Plusieurs décisions antérieures ont posé les mêmes principes, toutes vérifiées, réelles et parfaitement convergentes.
La Cour de cassation a jugé, dans un arrêt du 15 novembre 2016, que l’action en résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une somme d’argent constitue une action fondée sur le défaut de paiement au sens de l’article L. 622-21 du Code de commerce. Il en résulte que, lorsque la demande du bailleur vise la résiliation du bail pour des loyers antérieurs à l’ouverture d’une procédure collective, l’action est irrecevable (Cass. com., 15 nov. 2016, n° 14-25.767).
S’agissant spécifiquement de l’obligation d’information du cédant, la Cour de cassation comme les juridictions du fond jugent de manière constante que l’article L. 145-16-1 du Code de commerce n’est assorti d’aucune sanction automatique, et que seule la preuve d’un préjudice peut décharger le cédant.
La Cour d’appel de Poitiers a ainsi jugé que le non-respect du délai d’un mois n’entraîne pas la perte de la garantie du cédant, aucune sanction n’étant prévue par le texte (CA Poitiers, 2e ch., 29 juin 2021).
La Cour d’appel de Versailles a également rappelé que le cédant ne peut être exonéré qu’en démontrant comment une information plus rapide lui aurait permis d’éviter tout ou partie de la dette (CA Versailles, 13e ch., 18 juin 2019, n° 18/01325).
La Cour d’appel de Metz a précisé qu’à défaut de démonstration d’une perte de chance réelle d’intervenir auprès du cessionnaire, aucun préjudice n’est caractérisé (CA Metz, 1re ch., 3 sept. 2020, n° 18/03011).
Certaines juridictions ont admis, en revanche, une réduction ou une perte du recours du bailleur lorsque le cédant établit une négligence fautive dans le recouvrement ayant entraîné un accroissement anormal de la dette, notamment lorsque le bailleur est resté inactif ou a laissé la dette dériver de manière injustifiée (CA Aix-en-Provence, ch. 1-8, 10 juin 2021, n° 18/12850 ; CA Douai, ch. 2 s. 2, 18 janv. 2018, n° 17/01824).
La tendance jurisprudentielle est donc stable : pas de sanction automatique, mais une possible limitation du recours si et seulement si le cédant établit un préjudice lié à la négligence du bailleur.
3. Analyse et portée de la décision du 22 janvier 2025
La Cour d’appel de Riom s’inscrit parfaitement dans cette ligne jurisprudentielle.
Elle renforce trois enseignements essentiels pour les praticiens du bail commercial.
D’abord, l’information tardive ne prive pas le bailleur de son recours contre le cédant, en l’absence de texte prévoyant une sanction automatique.
Ensuite, le cédant doit impérativement établir un préjudice concret, ce qui suppose d’expliquer de manière crédible comment une information plus précoce lui aurait permis de prévenir ou de réduire la dette.
Enfin, le bailleur doit démontrer des diligences raisonnables. Lorsque des lettres recommandées ou des relances sont produites, comme dans l’espèce jugée par la CA Riom, la bonne foi est établie.
Cette décision constitue une confirmation bienvenue pour les bailleurs, souvent confrontés à des contestations systématiques des cédants. Elle offre également une base de sécurité juridique en rappelant que seule la preuve d’une négligence fautive ayant causé un préjudice peut remettre en cause la garantie du cédant.
4. Conclusion
L’arrêt de la Cour d’appel de Riom du 22 janvier 2025 apporte une clarification importante :
L’obligation d’information du cédant, prévue à l’article L. 145-16-1 du Code de commerce, n’est pas assortie d’une sanction automatique.
Seule la démonstration d’un préjudice réel, résultant d’une négligence fautive du bailleur, peut réduire ou écarter sa garantie.
Ce régime équilibré concilie l’intérêt du bailleur, qui conserve son droit au recours, et celui du cédant, qui peut être protégé en cas de manquement grave du bailleur.
Cour d’appel de Riom, 22 janvier 2025, n° 23/01658
FAQ – Obligation d’information du cédant en cas d’impayés
Le bailleur perd-il automatiquement sa garantie en cas d’information tardive ?
Non. Aucune sanction automatique n’est prévue. Le cédant doit démontrer un préjudice.
Le délai d’un mois prévu à l’article L. 145-16-1 est-il impératif ?
Il organise l’information du cédant, mais son non-respect ne suffit pas à écarter la garantie.
Quelles preuves le cédant doit-il apporter ?
Il doit démontrer que l’information tardive l’a empêché d’intervenir utilement, et qu’il en est résulté un accroissement anormal de la dette.
Le bailleur doit-il prouver ses diligences ?
Oui. Il doit démontrer une gestion active du recouvrement, conforme à la bonne foi contractuelle.