Pendant la période de mise sous scellé, l’indisponibilité du logement loué par un bail d’habitation n’étant pas constitutive d’une inexécution de l’obligation de délivrance par la bailleresse, la colocataire est redevable des loyers jusqu’au terme du bail, mais pas de l’indemnité d’occupation, postérieurement au congé délivré, car l’obligation des locataires de libérer l’appartement et de remettre les clés sont suspendues.
1. Textes légaux applicables
L’article 1219 du Code civil dispose que :
« Une partie peut refuser d’exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave. »
Son alinéa 2 prévoit que « la partie qui suspend l’exécution doit la reprendre dès que l’autre exécute la sienne ».
Ce texte fonde l’exception d’inexécution : le locataire peut suspendre le paiement du loyer si le bailleur ne délivre pas le bien conformément à sa destination. Toutefois, cette suspension ne peut être invoquée que si le manquement du bailleur est prouvé.
En matière contractuelle, l’article 1218 du Code civil définit la force majeure, mais la jurisprudence constante exclut qu’un débiteur d’une somme d’argent puisse s’en prévaloir pour s’exonérer de son obligation de paiement (Cass. com., 16 sept. 2014, n° 13-20.306).
Enfin, selon l’article 1240 du Code civil, tout fait fautif causant un dommage oblige son auteur à le réparer : c’est sur ce fondement que la Cour de cassation sanctionne les erreurs d’imputation des dettes locatives.
2. Jurisprudences applicables
La jurisprudence confirme régulièrement que la mise sous scellé du logement ne dispense pas le locataire du paiement du loyer, sauf faute du bailleur. Elle considère que :
- Le placement sous scellé ne constitue ni force majeure, ni inexécution du bailleur, le locataire restant tenu du paiement des loyers. (CA Lyon, 8e ch., 2 nov. 2022, n° 21/00445)
- Le bail reste en cours et l’obligation de paiement subsiste, la mise sous scellé n’ayant pas pour effet de suspendre le contrat. (CA Rouen, ch. de la proximité, 17 juill. 2012, n° 11/03255)
- L’incarcération du locataire et la mise sous scellé du logement n’affectent pas l’obligation de payer le loyer, le logement demeurant à disposition juridique du locataire. (CA Amiens, 1re ch. civ., 28 sept. 2023, n° 22/03442)
- Le bailleur ne peut réclamer à l’État la perte de loyers due à la mise sous scellé : la locataire reste débitrice jusqu’à la résiliation effective du bail. (CA Besançon, 1re ch. civ., 23 nov. 2011, n° 10/01859)
- Lorsque les effets personnels du locataire demeurent dans les lieux, le paiement du loyer reste dû jusqu’à libération complète. (Cass. 1re civ., 28 mai 2014, n° 13-13.729)
3. Analyse des faits
Un bail d’habitation avait été conclu en mars 2017 au profit de deux colocataires, l’un d’eux étant ensuite poursuivi pour tentative de meurtre sur sa compagne colocataire. Le logement fut immédiatement placé sous scellé dans le cadre de l’enquête pénale.
Les locataires donnèrent congé trois semaines plus tard, avec un préavis de trois mois.
La levée des scellés intervint en décembre 2017, permettant à la locataire victime de récupérer ses effets personnels et de libérer les lieux.
Ce n’est qu’un an plus tard, en décembre 2018, que l’auteur des violences restitua les clés.
Le bailleur réclama alors le paiement des loyers jusqu’à juin 2017 (préavis) et une indemnité d’occupation jusqu’à décembre 2018.
La Cour d’appel de Lyon confirma la condamnation, estimant que la mise sous scellé ne libérait pas les locataires de leur obligation de paiement.
Mais la Cour de cassation, par son arrêt du 3 juillet 2025, cassa partiellement cette décision :
- La locataire victime ne pouvait invoquer ni la force majeure, ni l’exception d’inexécution, la bailleresse n’étant pas responsable de l’indisponibilité du bien.
- En revanche, aucune indemnité d’occupation n’était due pendant la période de mise sous scellé, car le locataire était empêché de restituer les clés.
- Enfin, seul le locataire auteur des violences restait débiteur d’une indemnité d’occupation après décembre 2017.
Portée et enseignements de la décision
Cette décision distingue clairement :
- l’obligation de payer les loyers, qui subsiste lorsque le bailleur n’est pas fautif ;
- et l’obligation de libérer les lieux, suspendue lorsque la mise sous scellé rend matériellement impossible la restitution.
En d’autres termes:
La mise sous scellé n’est pas constitutive d’une inexécution de l’obligation de délivrance par le bailleur lorsque celui-ci n’est pas à l’origine de la mesure. Le locataire doit donc payer les loyers, d’autant que ses effets personnels sont restés dans les lieux.
En revanche, pendant la période de mise sous scellé, aucune indemnité d’occupation n’est due, car l’obligation de libérer les lieux et de restituer les clés est suspendue conformément à l’article 1219, alinéa 2, du Code civil.
Elle consacre une application rigoureuse des articles 1218, 1219 et 1240 du Code civil, en conciliant les droits du bailleur et la protection du locataire victime d’une situation pénale indépendante de sa volonté.
Conclusion
La mise sous scellé du logement ne dispense pas le locataire de payer le loyer tant que le bail n’est pas résilié, sauf faute du bailleur.
En revanche, aucune indemnité d’occupation ne peut être réclamée pendant la période de scellés, le locataire étant empêché de restituer les lieux.
Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 3 juillet 2025, n° 23-16.723
FAQ
Le locataire doit-il continuer à payer le loyer pendant la mise sous scellé ?
Oui, sauf si le bailleur est responsable de l’indisponibilité du bien.
Doit-il payer une indemnité d’occupation pendant cette période ?
Non, car la restitution des lieux est matériellement impossible : l’obligation est suspendue (art. 1219, al. 2 C. civ.).
La mise sous scellé libère-t-elle le locataire du bail ?
Non, elle ne met pas fin au bail et ne constitue pas un cas de force majeure.