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Publié le 15 Nov 2015

Loi Macron : dispositions relatives aux cessions de fonds de commerce

L’article 107 de la loi Macron modifie les cessions de fonds de commerce. Cela faisait longtemps que les ventes de fonds de commerce n’avaient pas été réformées. Vous trouverez ci-après la synthèse de ces modifications.

A. – Les formalités de publicité

1- L’obligation de publier la cession dans un Journal d’Annonces Légales (C. com., art. L. 141-12, nouv. ; C. com., art. L. 141-18, abrogé, relatif aux cessions de fonds comprenant des succursales ou des établissements secondaires) est supprimée.

Le législateur est parti du principe qu’une seule date suffisait, celle du BODACC.

Cela est de nature à réduire le coût des formalités pour l’acquéreur et à éviter des confusions sur le point de départ des droits des créanciers.

Au demeurant, le délai d’opposition des créanciers du vendeur, qui est de dix jours, et la surenchère du sixième pour les créanciers inscrits et les créanciers opposants, qui est de vingt jours, commencent tous deux à courir à compter de la publicité au BODACC.

2- Dans la même veine, l’obligation d’enregistrer l’acte de cession est également supprimée, du moins lorsque celui-ci est reçu par acte notarié (C. com., art. L. 141-13). Ainsi, la publication de l’extrait ou de l’avis faite en exécution de l’article L. 141-12 précité doit être, à peine de nullité, précédée soit de l’enregistrement de l’acte contenant mutation, sauf s’il s’agit d’un acte authentique, soit, à défaut d’acte, de la déclaration prescrite par les articles 638 et 653 du Code général des impôts. Seul l’acte de vente d’un fonds de commerce conclu par acte sous seing privé doit donc être enregistré. À noter que toutes ces modifications s’appliquent de la même manière à l’apport d’un fonds de commerce.

B. – Les délais d’opposition et de surenchère

1- S’agissant des délais d’opposition, l’article L. 141-14 du Code de commerce autorise tout créancier du vendeur à faire opposition au paiement du prix, dans les dix jours de la publication au BODACC, en indiquant (à peine de nullité) le chiffre et les causes de sa créance. Pour faire opposition, le créancier devait agir par acte extrajudiciaire. La loi Macron fonctionne ici comme en matière de baux commerciaux : les créanciers du vendeur peuvent désormais former opposition au paiement du prix également par LRADAR

2- La loi MACRON supprime purement et simplement la surenchère du sixième, procédure assez complexe qui, il faut bien le dire, était tombée en désuétude.

C. – Les autres modifications : mainlevée de l’opposition, purge des inscriptions, privilège du vendeur et nantissement

1- S’agissant de la demande par le vendeur de la mainlevée de l’opposition en cas d’irrégularité ou, à défaut, de son cantonnement, elle ne doit plus être présentée obligatoirement devant le président du tribunal de grande instance statuant en référé, les textes prévoyant désormais qu’il se pourvoit devant le président du tribunal de commerce statuant en référé (C. com., art. L. 141-15 et L. 141-16).

2- De même, en cas d’adjudication du fonds à la demande du vendeur ou du créancier gagiste inscrits sur un fonds de commerce, l’ancien article L. 143-7 du Code de commerce prévoyait qu’« il est statué, s’il y a lieu, sur les moyens de nullité de la procédure de vente antérieure à l’adjudication, et sur les dépens, par le président du tribunal de grande instance de l’arrondissement où s’exploite le fonds ». Désormais le texte vise seulement « le président du tribunal » de commerce (C. com., art. L. 143-7).

3- Il faut encore relever que le délai d’inscription du privilège du vendeur du fonds est désormais de trente jours suivant la date de l’acte de vente, et non plus dans la quinzaine de la date de l’acte (C. com., art. L. 141-6). Le délai de l’inscription du nantissement du fonds de commerce est identiquement réduit : elle doit être prise, à peine de nullité du nantissement, dans les trente jours suivant la date de l’acte constitutif (C. com., art. L. 142-4).

D. – L’information des salariés

La loi Macron – article 204 – modifie le droit d’information des salariés en cas de cession de leur entreprise. Plusieurs changements sont apportés. Nous n’en retiendrons que deux.

En premier lieu, la vente remplace la cession. Autrement dit, les ventes ou cessions de fonds de commerce des PME restent soumises au droit d’information des salariés deux mois avant la conclusion du contrat, mais plus les apports, ni les donations, ni les échanges. Cela étant, concernant les apports, pour certains, selon une solution jurisprudentielle ancienne, les règles de la vente sont applicables à l’apport dans la mesure où elles ne sont pas justifiées par l’existence d’un prix, ce qui est bien le cas des dispositions organisant l’information des salariés, de sorte que pour cette doctrine il vaut mieux toujours respecter l’information des salariés en cas d’apport.

En second lieu, la sanction de la nullité a été remplacée par l’amende civile de 2 %.

Le problème est que les textes sur lesquels elle est fondée ont été déclarés inconstitutionnels par une décision du Conseil constitutionnel le 17juillet 2015. En effet, la décision n° 2015-476 QPC dispose que « les quatrième et cinquième alinéas de l’articleL. 23-10-1 et les troisième et quatrième alinéas de l’article L. 23-10-7 du Code de commerce issus de l’article 20 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire sont contraires à la Constitution». Or, lorsque la loi Macron vient substituer à la nullité la sanction de l’amende civile, elle le fait en remplaçant par un nouvel alinéa les deux derniers alinéas de l’article L. 23-10-1 du Code de commerce, et les troisième et avant-dernier alinéas de l’article L. 23-10-7, qui sont précisément les alinéas ayant été déclarés, par le Conseil constitutionnel dans la QPC précitée, contraires à la Constitution. La déclaration d’inconstitutionnalité emportant abrogation des dispositions visées à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel, la loi Macron a modifié des textes qui ont entre-temps été supprimés. D’où la question de savoir si la loi « ESS » est encore pourvue d’une sanction.

De plus, l’article 204, III de la loi Macron dispose que « Le présent article entre en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard six mois après la promulgation de la présente loi ». Cela signifie que la sanction de l’amende civile, quand bien même serait-elle applicable, ce qui est loin d’être évident eu égard au développement précédent, n’est pas encore en vigueur et qu’elle devrait l’être au plus tard dans le meilleur des cas six mois après la promulgation (synonyme d’adoption mais pas de publication) de la loi, soit le 6 février 2016. En d’autres termes, l’obligation d’informer les salariés n’est plus sanctionnée par aucun texte, hormis peut-être par le droit commun, sauf à ce que les textes modifiés, parce qu’ils sont contraires à la Constitution, ne puissent être porteurs d’une telle sanction. Et un décret ne nous semble pas être en mesure de pouvoir réparer l’inconstitutionnalité des textes concernés.

Un décret pourrait toutefois être adopté et publié pour respecter le III de l’article 204 de la loi Macron afin de rendre effective la sanction de l’amende de 2 %. Il serait opportun de l’adopter assez rapidement. Sinon, il est fort à parier que ce droit d’information des salariés tombe aux oubliettes, sous réserve naturellement de ce que le Code du travail prévoit en matière d’information des salariés et de leurs institutions représentatives. Une dernière question subsiste, si le décret est publié : le nouveau régime de sanction s’appliquera-t-il aux litiges en cours au moment de son entrée en vigueur ? On peut espérer que le décret d’application répondra à cette question. Bref, un délice juridique pour les théoriciens, un enfer pour les praticiens !

LOI n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques

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