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Publié le 12 Oct 2025

Bail commercial : déchéance du droit à indemnité d’éviction en cas de non-paiement de l’indemnité d’occupation

Le locataire évincé bénéficie, en vertu de l’article L.145-28 du Code de commerce, d’un droit au maintien dans les lieux tant qu’il n’a pas perçu l’indemnité d’éviction. Cependant, ce maintien n’est pas inconditionnel. Le non-paiement de l’indemnité d’occupation, qui se substitue au loyer du bail expiré, peut constituer un manquement grave et légitime. Cela entraîne la déchéance du droit à indemnité d’éviction.


1. Le principe du maintien dans les lieux

L’article L.145-28 du Code de commerce dispose que le locataire évincé ne peut être contraint de quitter les lieux avant d’avoir reçu le paiement intégral de son indemnité d’éviction.


Pendant cette période dite de maintien dans les lieux, le preneur reste tenu d’exécuter les obligations issues du bail expiré. Notamment celle du paiement du loyer devenu indemnité d’occupation.

La Cour de cassation rappelle que cette indemnité d’occupation doit être payée selon les modalités du bail expiré, jusqu’à fixation et paiement effectif de l’indemnité d’éviction (Cass. 3e civ., 11 févr. 2016, n° 14-28.091).


2. Le manquement du locataire : un motif grave justifiant la déchéance

Le locataire évincé doit s’acquitter régulièrement de l’indemnité d’occupation. Le défaut de paiement constitue un manquement grave. Cela permet au bailleur de solliciter soit la rétractation de son offre d’indemnité d’éviction, soit la déchéance du droit au maintien dans les lieux sur le fondement de la clause résolutoire.

La jurisprudence considère que le non-paiement de l’indemnité d’occupation constitue une faute contractuelle susceptible d’entraîner la perte du droit à indemnité d’éviction (Cass. 3e civ., 9 déc. 1980, n° 79-14.235).


3. Les options offertes au bailleur

Le bailleur dispose de plusieurs voies d’action selon les circonstances :

  • Rétracter son offre de paiement de l’indemnité d’éviction en invoquant un motif grave et légitime, sur le fondement de l’article L.145-17 du Code de commerce ;
  • Mettre en œuvre la clause résolutoire du bail expiré, si les conditions de mise en demeure sont respectées ;
  • Poursuivre la résiliation judiciaire du bail résiduel sur le fondement de l’article 1184 ancien du Code civil, devenu article 1227 du Code civil (Cass. 3e civ., 30 septembre 2009, n° 08-18.209).

4. La sanction : perte du droit à indemnité d’éviction

Le non-paiement répété de l’indemnité d’occupation constitue un manquement grave, légitime et persistant. Cela justifie la déchéance du droit à indemnité d’éviction.

Cette déchéance entraîne la perte du droit au maintien dans les lieux, même si le locataire a quitté les locaux en cours de procédure. (Cass. 3e civ., 5 octobre 2017, n° 16-21.977 ; Cass. 3e civ., 23 novembre 2011, n° 10-25.493 ; Cass. 3e civ., 22 mars 2018, n° 17-13.634 ; Cass. 3e civ., 14 juin 2018, n° 17-20.255.

La gravité de la faute et la bonne foi du bailleur relèvent de l’appréciation souveraine des juges du fond.


5. Affaire traitée

Dans cette affaire, la bailleresse avait délivré un congé avec refus de renouvellement et offre d’indemnité d’éviction.
La société Raincy Coiffure, restée dans les lieux, n’avait pas payé les indemnités d’occupation mises à sa charge.
Trois commandements de payer conformes à l’article L.145-17 I du Code de commerce lui ont été délivrés. Pourtant, il n’y a eu aucune régularisation dans le délai d’un mois.

Les manquements répétés du preneur ont été considérés comme des motifs graves et persistants. Ceux-ci justifient la déchéance de son droit à indemnité d’éviction, nonobstant la situation économique invoquée.

La Cour d’appel de Paris confirme que le formalisme de l’article L.145-17 a été respecté. Elle affirme aussi que le bailleur a agi de bonne foi, la mauvaise foi du bailleur n’étant pas démontrée.


Conclusion

Le locataire évincé qui ne respecte pas son obligation de payer l’indemnité d’occupation pendant la période de maintien dans les lieux perd le bénéfice de l’indemnité d’éviction.
Cette solution, constante, s’appuie sur une lecture stricte de l’article L.145-28 du Code de commerce. Elle s’appuie aussi sur le principe de bonne foi contractuelle.
Le bailleur, à condition de respecter les formes prévues par l’article L.145-17, peut valablement se prévaloir de ce manquement. Cela prive le locataire de toute indemnisation.

Cour d’appel de Paris, Pôle 5, chambre 3, 25 septembre 2025 – n° 22/12272


En bref

Le locataire évincé conserve un droit au maintien dans les lieux jusqu’à paiement de son indemnité d’éviction.
Mais il doit, en contrepartie, payer l’indemnité d’occupation.
Son défaut de paiement peut lui faire perdre son droit à indemnité d’éviction.


FAQ

➡️ Qu’est-ce que le maintien dans les lieux ?
C’est le droit accordé au locataire évincé de rester dans les locaux jusqu’au versement complet de son indemnité d’éviction, aux conditions du bail expiré.

➡️ Le paiement de l’indemnité d’occupation est-il obligatoire ?
Oui. L’indemnité d’occupation se substitue au loyer. Elle doit être payée selon les mêmes modalités tant que le locataire reste dans les lieux.

➡️ Que risque le locataire s’il ne paye pas cette indemnité ?
Le non-paiement constitue un manquement grave qui peut justifier la déchéance du droit à indemnité d’éviction et la perte du maintien dans les lieux.

➡️ Le bailleur doit-il prouver sa bonne foi ?
Oui. Le bailleur doit démontrer qu’il agit conformément au formalisme légal (article L.145-17 du Code de commerce). Il doit prouver qu’il n’abuse pas de son droit pour échapper au paiement de l’indemnité.

➡️ Le juge peut-il apprécier la gravité de la faute du locataire ?
Oui. Les juges du fond apprécient souverainement la gravité du manquement. Ils décident s’il justifie la déchéance du droit à indemnité d’éviction.

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