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Publié le 16 Nov 2025

Bail commercial: Validité de la clause résolutoire inférieure à un mois

Dans deux décisions, la Cour de Cassation a considéré qu’une clause résolutoire insérée dans un bail commercial prévoyant un délai inférieur à un mois après un commandement resté infructueux et permettant d’obtenir la résiliation du bail est contraire au délai légal prévu à l’article d’ordre public L. 145-41 du Code de commerce et doit donc être réputée non écrite en son entier.


L’article L. 145-41 du Code de commerce impose que :

  • la clause résolutoire d’un bail commercial ne peut jouer qu’un mois après un commandement demeuré infructueux ;
  • ce commandement doit obligatoirement mentionner ce délai, à peine de nullité.

L’article L. 145-15 ajoute que doivent être réputées non écrites toutes clauses visant à contourner les règles protectrices du statut, notamment le délai d’un mois.

Enfin, selon l’article 2 du Code civil, la loi nouvelle s’applique immédiatement aux effets non définitivement réalisés d’une situation juridique née antérieurement.

Ces textes combinés rendent donc impossible :

  • la présence d’un délai contractuel inférieur à un mois,
  • son maintien dans un bail commercial toujours en cours après le 18 juin 2014,
  • et l’acquisition de plein droit de la résiliation fondée sur une clause irrégulière.

Cette exigence s’applique aussi bien dans les situations d’impayés de loyers, d’inexécution contractuelle ou de non-respect des obligations du locataire dans le bail commercial.


2. Analyse des faits et des décisions du 6 novembre 2025

Première affaire – Pourvoi n° 23-21.334 (Cassation partielle)

Dans cette affaire, les bailleurs avaient délivré, en juillet 2013, un commandement visant une clause résolutoire stipulant un délai de quinze jours.
Malgré le caractère manifestement illicite de ce délai, la cour d’appel avait considéré que seule la nullité prévue avant 2014 était applicable, au motif que le commandement était antérieur à la loi du 18 juin 2014.

La Cour de cassation censure ce raisonnement :
elle affirme que lorsqu’une instance portant sur la validité d’une clause résolutoire est encore en cours après 2014, les effets du commandement ne sont pas définitivement réalisés.
En conséquence, la clause prévoyant un délai inférieur à un mois doit être réputée non écrite dans son entier.

La résiliation automatique, les indemnités d’occupation, et le refus de l’indemnité d’éviction fondés sur cette clause ne pouvaient donc pas être validés.


Seconde affaire – Pourvoi n° 23-21.454 (Rejet)

Dans la seconde décision, la clause résolutoire du bail commercial prévoyait également un délai de quinze jours.
La bailleresse soutenait que cette stipulation n’empêchait pas l’application du délai légal d’un mois.

La Cour de cassation rejette cette analyse :
la simple présence, dans la clause, d’un délai inférieur à un mois suffit à faire échec au mécanisme légal du bail commercial.
La clause est donc entièrement réputée non écrite, sans possibilité de maintien partiel ou d’interprétation corrective.

Ainsi, aucun impayé, aucune inexécution et aucun commandement ne peuvent déclencher une résiliation de plein droit tant que la clause résolutoire est privée d’effet.


3. Portée et enseignements des décisions

Les arrêts du 6 novembre 2025 produisent plusieurs enseignements majeurs :

  • Toute clause résolutoire prévoyant un délai inférieur à un mois est réputée non écrite en totalité, sans possibilité de validation partielle.
  • Le bailleur ne peut en aucun cas se prévaloir d’un délai contractuel raccourci pour obtenir une résiliation automatique du bail commercial, même en cas d’impayés.
  • Les commandements délivrés avant 2014 n’échappent pas à la loi nouvelle si leurs effets ne sont pas définitivement réalisés.
  • Dans un bail commercial ancien, de nombreuses clauses résolutoires deviennent ainsi inopérantes, imposant un recours à la résiliation judiciaire.
  • L’exigence légale protège la stabilité des relations contractuelles, notamment en période d’impayés ou de litiges sur les travaux.

Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 6 novembre 2025 n°23-21.334

Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 6 novembre 2025 n°23-21.454


4. FAQ

Non. Dès qu’une clause prévoit un délai inférieur, elle est entièrement réputée non écrite.

Les commandements délivrés avant 2014 restent-ils valables ?

Ils demeurent valables comme actes, mais la clause résolutoire qu’ils visent peut être réputée non écrite si le litige est encore en cours après 2014.

Que doit faire un bailleur en cas d’impayés si la clause résolutoire est réputée non écrite ?

Il doit engager une résiliation judiciaire, plus longue et plus encadrée.

Le délai d’un mois est-il toujours impératif ?

Oui. Il est d’ordre public absolu, sans aucune dérogation possible dans un bail commercial.

La résiliation automatique peut-elle être exigée si le commandement mentionne un mois mais que la clause prévoit quinze jours ?

Non. C’est la clause, et non le commandement, qui doit être régulière. Une clause irrégulière ne peut pas être appliquée.

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