Cette décision rappelle trois informations importantes: (1) d’une part, la clause résolutoire insérée dans un bail commercial produit effet si le locataire n’a pas régularisé sa dette dans le délai légal d’un mois à compter du commandement de payer, (2) d’autre part, la mauvaise foi du bailleur ne peut être invoquée qu’à la condition de démontrer une impossibilité d’exploiter imputable à ce dernier, et (3) enfin, la suspension des effets de la clause résolutoire ne peut être prononcée par le juge que si le locataire a régulièrement présenté une demande de délais de paiement.
1/ Acquisition de la clause résolutoire
Textes légaux
- Article L. 145-41, alinéa 1er, du Code de commerce : la clause résolutoire prévue au bail ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux, lequel doit mentionner ce délai à peine de nullité.
Ce texte pose une règle claire : le défaut de paiement persistant au-delà d’un mois après commandement entraîne de plein droit la résiliation.
Jurisprudences applicables
La Cour de cassation rappelle de manière constante que :
- La clause résolutoire est acquise si le locataire ne s’est pas libéré dans le délai légal, même s’il régularise après coup (Cass. 3e civ., 25 mars 1998, n° 96-13.603).
- La mauvaise foi du bailleur ne peut être invoquée que si celui-ci a délibérément empêché l’exécution du contrat (Cass. 3e civ., 19 nov. 2020, n° 19-20.429).
- En cas de contestation sérieuse sur l’imputabilité d’un trouble au bailleur, l’exception d’inexécution du preneur n’est pas admise (Cass. 3e civ., 11 juill. 2019, n° 18-17.278).
Analyse des faits
En l’espèce, le commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré le 22 décembre 2023 par la SCI Pago à la société Dieu, pour un montant de 2 640,96 €.
Le paiement n’a été effectué que le 25 janvier 2024, soit après expiration du délai légal.
Le locataire soutenait que la coupure d’électricité de juillet 2023 démontrait la mauvaise foi du bailleur. Mais aucune preuve n’établissait l’imputabilité de cette coupure aux travaux du bailleur, d’autant que le preneur avait pu se raccorder à un autre point d’alimentation électrique.
Enfin, le fait que le bailleur ait saisi le juge des référés plusieurs mois après le règlement tardif n’a pas été considéré comme abusif : la régularisation n’était intervenue qu’après le délai légal.
Le juge a donc logiquement constaté l’acquisition de la clause résolutoire au 22 janvier 2024, entraînant la résiliation du bail et l’expulsion du locataire.
2/ Suspension des effets de la clause résolutoire
Textes légaux
- Article L. 145-41, alinéa 2, du Code de commerce : les juges peuvent suspendre les effets de la clause résolutoire si le locataire sollicite des délais de paiement dans les conditions prévues par le Code civil.
- Article 1343-5 du Code civil : le juge peut accorder au débiteur des délais de paiement, dans la limite de deux ans, en tenant compte de sa situation et des besoins du créancier.
Le principe est clair : sans demande expresse du locataire, le juge ne peut suspendre la clause résolutoire.
Jurisprudences applicables
La Cour de cassation a jugé de longue date que le juge ne peut suspendre d’office la clause résolutoire (Cass. com., 11 juin 1958, Bull. civ. III, n° 246).
Elle a rappelé que la demande doit être présentée par le preneur lui-même, dans les formes et délais légaux (Cass. 3e civ., 18 févr. 2004, n° 02-18.763).
Analyse des faits
En l’espèce, le premier juge avait suspendu les effets de la clause résolutoire pour deux ans, permettant au locataire de se maintenir dans les lieux à condition de régler les loyers courants.
Mais la société Dieu n’avait jamais sollicité de délais de paiement au titre de l’article 1343-5 du Code civil. Le juge des référés ne pouvait donc prononcer cette suspension.
La Cour d’appel a infirmé l’ordonnance et ordonné l’expulsion du locataire, avec condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation de 500 € par mois à compter du 22 janvier 2024.
Conclusion
La décision rappelle deux points fondamentaux :
- La clause résolutoire joue automatiquement si le paiement n’intervient pas dans le délai légal d’un mois, sans que la mauvaise foi du bailleur puisse être retenue sans preuve directe.
- La suspension de ses effets ne peut être prononcée que si le locataire a saisi le juge d’une demande de délais sur le fondement de l’article 1343-5 du Code civil. À défaut, le juge doit constater la résiliation et ordonner l’expulsion.
Cour d’appel, Bourges, 1re chambre, 5 Septembre 2025 n° 24/01146
En bref
- Le paiement tardif ne fait pas obstacle à la clause résolutoire.
- La mauvaise foi du bailleur doit être prouvée par le locataire.
- La suspension des effets suppose une demande expresse de délais de paiement.
FAQ
➡️ Le bailleur peut-il être accusé de mauvaise foi s’il agit tardivement ?
Non, dès lors que le paiement n’a pas été régularisé dans le délai d’un mois, le bailleur peut agir à tout moment.
➡️ Le juge peut-il suspendre d’office la clause résolutoire ?
Non, il faut une demande de délais de paiement présentée par le locataire.
➡️ Que risque le locataire en cas d’acquisition de la clause résolutoire ?
Il encourt l’expulsion et une indemnité d’occupation jusqu’à libération des lieux.