Dans le cadre d’un bail commercial, lorsqu’une caution est donnée, la caution peut se prévaloir d’un engagement manifestement disproportionné par rapport à ses capacités. Cependant, la Cour de cassation, apporte une précision essentielle : pour apprécier la disproportion, il faut tenir compte uniquement des sommes restant dues et non du montant initial pour lequel la caution s’était engagée.
1. Sur le caractère disproportionné de l’engagement de caution
L’article L 341-4 du Code de la Consommation (version applicable au 14 janvier 2014) dispose que:
« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d’un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l’engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »
Ce texte impose :
- un examen de la disproportion à la date de souscription de l’acte,
- une appréciation globale des biens, revenus et dettes de la caution,
- la prise en compte des cautionnements antérieurs, mais uniquement pour les sommes restant dues,
- et une exception : possibilité pour le créancier de se prévaloir du cautionnement si la caution est in bonis lors de l’appel.
On rappellera également que cet article a été supprimé du Code de la Consommation et qu’un nouvel article 2300 du Code Civil applicable à compter du 1er janvier 2022 prévoit que :
« Si le cautionnement souscrit par une personne physique envers un créancier professionnel était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné aux revenus et au patrimoine de la caution, il est réduit au montant à hauteur duquel elle pouvait s’engager à cette date.»
Ainsi, le nouvel article prévoit qu’en cas d’un engagement disproportionné, celui-ci est réduite à hauteur de la capacité financière de la caution mais n’est pas nul.
2. Analyse des faits et de la décision commentée
L’affaire concerne la souscription par la gérante d’un cautionnement garantissant un bail commercial conclu le 14 janvier 2014 entre une SCI bailleresse et une société locataire.
La caution, personne physique, avait déjà souscrit plusieurs cautionnements antérieurs (2004, 2005, 2008).
Lors de la liquidation judiciaire du locataire commercial, la bailleresse a inscrit une hypothèque judiciaire provisoire sur les biens de la caution afin d’assurer le paiement des impayés résultant du bail commercial.
La caution a sollicité la mainlevée, invoquant la disproportion de son engagement.
La cour d’appel a considéré le cautionnement manifestement disproportionné, en intégrant :
- les engagements antérieurs,
- évalués à leur montant initial,
- sans examiner le montant des sommes restant dues.
La Cour casse l’arrêt de la cour d’appel de Toulouse pour avoir inclus, dans l’endettement de la caution, des engagements antérieurs évalués à leur montant initial, sans tenir compte des sommes restant dues au jour de la signature du cautionnement litigieux.
Plus précisément, elle énonce que:
« seul le montant des sommes restant dues au titre des concours garantis devait être pris en considération pour apprécier, à la date de l’engagement litigieux, le montant des engagements souscrits antérieurement par la caution, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
La Haute juridiction affirme ainsi que :
- la disproportion s’apprécie au regard des dettes réellement en cours,
- les cautionnements antérieurs partiellement ou totalement éteints ne doivent pas être intégrés,
- la cour d’appel doit évaluer uniquement les sommes restant dues au titre des concours garantis.
Ainsi, la cour d’appel aurait du évaluer uniquement les sommes restant dues au titre des concours garantis.
Cass. com., 26 nov. 2025, n° 24-17.990
3. FAQ
1. La disproportion d’un cautionnement dans un bail commercial s’apprécie-t-elle à la date de la signature ?
Oui, exclusivement à cette date, selon l’article L. 341-4 ancien.
2. Les cautionnements antérieurs doivent-ils être pris en compte ?
Oui, mais seulement pour les sommes restant dues, non pour leur montant initial.
3. Une liquidation judiciaire du locataire modifie-t-elle la disproportion ?
Non. La liquidation déclenche l’appel de la caution mais n’a pas d’incidence sur l’appréciation de la disproportion.
4. Un bailleur commercial peut-il toujours exiger une caution ?
Oui, mais il doit pouvoir démontrer l’absence de disproportion manifeste à la date de l’acte.
5. La caution peut-elle contester une hypothèque judiciaire provisoire ?
Oui, notamment si elle invoque l’inopposabilité du cautionnement pour disproportion.