Le non respect par le Bailleur de son obligation d’informer le Preneur à bail commercial des travaux prévisionnels sur les trois prochaines années n’empêche pas celui-ci de refacturer au preneur lesdits travaux, dès lors que les clauses du bail les mettent expressément à sa charge et que ces travaux ne relèvent pas des grosses réparations de l’article 606 du Code civil.
1. Textes légaux applicables
Aux termes de l’article L.145-40-2 du Code de commerce :
« Tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l’indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire (…).
Lors de la conclusion du contrat de location, puis tous les trois ans, le bailleur communique à chaque locataire :
1° Un état prévisionnel des travaux qu’il envisage de réaliser dans les trois années suivantes, assorti d’un budget prévisionnel ;
2° Un état récapitulatif des travaux qu’il a réalisés dans les trois années précédentes, précisant leur coût (…). »
L’article L.145-40-2 du Code de commerce impose au bailleur commercial une obligation d’information renforcée sur la répartition des charges, impôts, taxes et travaux entre les parties.
Il résulte de ces dispositions que le bailleur doit informer le preneur :
- de la répartition précise des charges et impôts,
- des travaux réalisés ou envisagés dans l’immeuble au cours des trois années précédents la signature du bail et pour les 3 années à venir
- et de toutes nouvelles charges
Cette obligation d’information, instaurée par la loi Pinel du 18 juin 2014, a pour objectif de limiter les contentieux relatifs à la refacturation de charges et travaux.
2. Jurisprudence applicable
La jurisprudence a eu l’occasion de préciser la portée de cette obligation :
- il n’existe pas de sanction à la non communication de tous les travaux dans l’état des travaux des trois années à venir qui doit être communiqué au locataire. (Cour d’appel de Rennes, 27 novembre 2024 n° 22/00385.
- l’absence de communication de l’état des travaux passés et prévisionnels ne constitue pas un trouble manifestement illicite, à même à conduire à faire droit aux demandes d’un locataire de suspension des loyers (CA Poitiers, 2e ch., 11 mars 2025, n° 24/02298)
3. Analyse des faits et portée de la décision
En l’espèce, deux avenants de renouvellement de baux commerciaux avaient été signés le 18 décembre 2015 entre la société Selectinvest 1 (bailleur) et la société MCR Diffusion (locataire).
Ces avenants précisaient :
- que la répartition des charges s’effectuerait au prorata des surfaces exploitées,
- que le preneur devait acquitter l’ensemble des charges, prestations et dépenses d’entretien relatives à l’immeuble,
- et qu’un état récapitulatif des travaux réalisés et prévisionnel des travaux à venir avait été remis.
La Cour d’appel constate que ces stipulations respectent les exigences de l’article L.145-40-2, et que le bailleur a bien communiqué les éléments prévus.
Elle souligne que :
« Les stipulations contractuelles satisfont à l’obligation d’information renforcée mise à la charge du bailleur par l’article L.145-40-2 du Code de commerce. »
Le courrier du 4 avril 2017 adressé par le mandataire du bailleur, annonçant des travaux de rénovation du centre commercial, mentionnait notamment :
- le vote en assemblée générale du 28 juillet 2016,
- le mode de calcul des refacturations,
- et les budgets prévisionnels des postes de travaux (façades, parvis, mail, sanitaires).
La cour juge que, même si la note explicative jointe n’était pas produite, le descriptif des travaux figurant au procès-verbal d’assemblée générale suffisait à établir que :
- les travaux refacturés entraient bien dans les catégories prévues à l’article 8 du bail,
- qu’ils ne relevaient pas de l’article 606 du Code civil,
- et qu’ils étaient donc imputables au preneur.
Le montant dû par la société MCR Diffusion a ainsi été confirmé et actualisé :
- 76 745,22 euros pour les sous-lots n°30 et 31,
- 82 572,58 euros pour le sous-lot n°32.
Conclusion
Le bailleur commercial satisfait à son obligation d’information dès lors qu’il communique un état des travaux réalisés et prévisionnels conforme à l’article L.145-40-2 du Code de commerce, et que le bail prévoit clairement la répartition des charges et travaux.
Le preneur ne peut se soustraire au paiement des charges et travaux contractuellement mis à sa charge, même en cas d’insuffisance d’information ultérieure, dès lors que la catégorie de dépenses est prévue au bail et qu’elles ne relèvent pas des grosses réparations de l’article 606 du Code civil.
Cour d’appel de Dijon, 2e chambre civile, 9 octobre 2025, n° 25/00022