Un bail commercial n’est pas automatiquement nul, même s’il a été signé par une société n’ayant pas encore été constituée par les termes « représentée par » au lieu d’une personne physique s’engageant « au nom et pour le compte de la société en formation ». Le juge doit apprécier si la commune intention des parties n’était pas que l’acte fût conclu au nom ou pour le compte de la société en formation.
Selon les articles L. 210-6 et R. 210-6 du Code de commerce, les personnes qui ont agi au nom ou pour le compte d’une société en formation avant qu’elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits.
Il appartient au juge d’apprécier souverainement, par un examen de l’ensemble des circonstances, tant intrinsèques à l’acte qu’extrinsèques, si la commune intention des parties n’était pas que l’acte fût conclu au nom ou pour le compte de la société en formation.
Récemment, la Cour de Cassation avait déjà statué en ce sens (Cour de cassation, Chambre commerciale économique et financière, 29 Novembre 2023 n° 22-12.865)
Pour déclarer nul le bail commercial du 20 janvier 2016, l’arrêt énonce qu’il résulte des articles 1842 et 1843 du Code civil et L. 210-6 et R. 210-6 du Code de commerce qu’avant son immatriculation, une société n’a pas la personnalité morale et qu’elle ne peut donc être représentée, de sorte qu’un acte conclu par une société avant son immatriculation, donc dépourvue d’existence juridique, est nul.
Il retient que la formulation du contrat, selon laquelle le locataire est la société LPL, représentée par sa présidente, signifie sans ambiguïté que c’est cette société elle-même qui a conclu le contrat et non sa présidente agissant pour son compte, peu important qu’il ait été mentionné que cette société était en cours de création, cette mention ne modifiant pas l’indication de la société LPL, elle-même, comme partie contractante.
L’arrêt en déduit que le bail conclu par une personne dépourvue de toute existence juridique est nul, la circonstance que ce contrat soit annexé aux statuts de la société LPL et qu’il fasse l’objet d’une mention de reprise après immatriculation de la société à l’article 40 de ces statuts étant inopérante comme ne permettant pas une régularisation a posteriori.
En se déterminant ainsi, sans rechercher s’il ne résultait pas, non seulement des mentions de l’acte, mais aussi de l’ensemble des circonstances que, nonobstant une rédaction défectueuse, la commune intention des parties n’était pas que l’acte fût passé au nom ou pour le compte de la société en formation LPL, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
Il résulte des articles L. 210-6 et R. 210-6 du Code commerce que la validité de l’acte passé pour le compte d’une société en formation n’implique pas, sauf les cas de dol ou de fraude, que la société effectivement immatriculée revête la même dénomination sociale que celle mentionnée dans l’acte litigieux.
Pour déclarer nul le bail du 20 janvier 2016, l’arrêt retient encore que la circonstance que ce contrat soit annexé aux statuts de la société Les Petits [L], dont la dénomination sociale est différente de celle mentionnée au bail , et qu’il fasse l’objet d’une mention de reprise après immatriculation de la société à l’article 40 des statuts est inopérante car ne permettant pas de régulariser a posteriori cet acte.
En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique, 28 Mai 2025 n° 24-13.370