Le juge des loyers commerciaux peut fixer le point de départ des intérêts dus après la révision du loyer, mais il n’a pas compétence pour condamner au paiement de ces intérêts.
1/ Textes légaux
L’article R. 145-23 du Code de commerce dispose :
« Les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. »
En outre, l’article 1231-6 du Code civil prévoit que :
« Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d’une obligation de somme d’argent consistent dans l’intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure. »
Ces dispositions encadrent la compétence du juge des loyers et déterminent le régime applicable aux intérêts moratoires liés aux loyers révisés ou renouvelés.
2/ Jurisprudences applicables
La Cour de cassation a précisé à plusieurs reprises les pouvoirs du juge des loyers :
- Il ne peut que fixer le montant du loyer révisé ou renouvelé, et non condamner au paiement de rappels ou restitutions (Cass. 3e civ., 11 mai 2022, n° 20-21.651).
- Les intérêts moratoires attachés aux loyers courent du jour de la demande en justice (Cass. 3e civ., 3 oct. 2012, n° 11-17.177).
- Le point de départ varie selon l’initiative de la procédure : assignation par le bailleur (Cass. 3e civ., 16 mars 2017 ; Cass. 3e civ., 12 avr. 2018 ; Cass. 3e civ., 9 sept. 2021) ou mémoire en défense lorsque le bailleur est défendeur (Cass. 3e civ., 18 juin 2014, n° 13-14.715).
- La décision qui fixe le loyer constitue néanmoins un titre exécutoire permettant le recouvrement des rappels ou trop-perçus (Cass. 3e civ., 6 oct. 2016 ; CA Paris, 9 juill. 2020).
3/ Analyse des faits
Dans cette affaire, le juge des loyers commerciaux avait fixé le montant du loyer renouvelé et condamné le preneur au paiement du différentiel de loyers avec intérêts.
La société locataire contestait la compétence du juge, soutenant que ce dernier ne pouvait que fixer les intérêts, mais non condamner.
La cour d’appel de Douai a tranché :
- le juge des loyers est compétent pour fixer le point de départ des intérêts afin de permettre aux parties de faire les comptes,
- mais il ne peut pas prononcer une condamnation pécuniaire au titre de ces intérêts.
En l’espèce, la cour a retenu que le premier mémoire du bailleur valait mise en demeure au sens de l’article 1231-6 du Code civil, fixant ainsi le point de départ des intérêts.
(CA Douai, 12 juin 2025, n° 22/01586 : JurisData n° 2025-009644).
4/ Conséquences pratiques
- Pour les bailleurs : il convient de produire un mémoire précis, lequel pourra valoir mise en demeure et fixer le point de départ des intérêts.
- Pour les preneurs : si le bailleur n’assigne pas, mais répond par mémoire, celui-ci peut faire courir les intérêts.
- Pour les praticiens : il faut distinguer la compétence du juge (fixer) et le titre exécutoire (permettant l’exécution forcée), mais sans condamnation directe.
Conclusion
Le juge des loyers commerciaux est compétent pour fixer le point de départ des intérêts dus après fixation du loyer renouvelé, mais il ne peut pas condamner au paiement. La décision constitue toutefois un titre exécutoire permettant le recouvrement.
En bref
Le juge des loyers commerciaux peut fixer le point de départ des intérêts après fixation du loyer renouvelé, mais il ne peut pas condamner au paiement. La décision vaut toutefois titre exécutoire (CA Douai, 12 juin 2025).
FAQ
➡️ Le juge des loyers peut-il condamner un preneur à payer les loyers révisés ?
Non, il ne peut que fixer le loyer et les intérêts, la décision valant titre exécutoire.
➡️ Le point de départ des intérêts est-il la date de l’assignation ?
Oui, si le bailleur est demandeur. Mais s’il est défendeur, c’est la date du premier mémoire.
➡️ La décision permet-elle d’agir en recouvrement ?
Oui, elle constitue un titre exécutoire.