En matière de bail commercial, s’agissant du droit de préemption, ne constitue pas une « cession unique de locaux commerciaux distincts » au sens du dernier alinéa de l’article L. 145-46-1 du code de commerce la cession par un acte de vente unique des locaux donnés à bail commercial et d’autres locaux appartenant respectivement à des propriétaires distincts.
1. Sur la notion de “cession unique » du droit de préemption du locataire commercial
L’article L.145-46-1 du Code de commerce prévoit :
- l’obligation pour le propriétaire d’un local commercial de notifier au locataire son intention de vendre,
- la notification d’une offre de vente préalable au profit du locataire valable pendant un mois,
- sauf lorsqu’il s’agit (entre autres) :
- d’une cession globale d’immeuble, ou
- d’une cession unique de locaux commerciaux distincts.
Le texte ne définit pas la notion de « cession unique ».
La question posée à la Cour de cassation dans l’arrêt était donc la suivante :
la vente par un acte unique de locaux appartenant à des propriétaires différents peut-elle constituer une cession unique ?
La réponse est non.
2. Jurisprudence applicable
Récemment, la Cour de Cassation a déjà jugé que le locataire ne bénéficie pas du droit de préemption lorsque le local loué ne constitue qu’une partie de l’immeuble vendu. (Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 19 juin 2025, n°23-19.292, et n°23-17.604).
Cependant, à ce jour aucune décision de la Cour de Cassation n’est venue trancher la question traitée par la décision rapportée.
3. Analyse des faits de l’arrêt
Par acte authentique du 12 novembre 2019, une SCI acquiert plusieurs lots appartenant à différents vendeurs :
- Lots n° 1, 21, 51, 52, 53, 54 : appartenant à l’indivision [M]
- Lots n° 41, 55, 56 : appartenant à Mme [C] [M] seule
La société locataire exploitait un bail commercial uniquement sur certains lots (21, 51, 52, 53, 54).
Elle soutenait que l’ensemble des lots avait fait l’objet d’une cession unique, ce qui exclurait son droit de préemption, et demandait donc l’annulation de la vente pour violation du texte.
La Cour de cassation juge au contraire :
- La cession unique suppose une identité de propriétaire.
- La vente par un acte notarié unique ne suffit pas : ce qui compte est l’identité des vendeurs.
Elle énonce ainsi que l’acte du 12 novembre 2019 ne constituait pas une cession unique, car il regroupait des lots vendus par des propriétaires distincts.
Mais la Cour rejette néanmoins le pourvoi pour un autre motif : le local commercial objet du bail ne représentait qu’une partie des lots cédés. En effet, l’indivsion n’avait pas donné à bail le lot n°1 qui a été cédé.
Ainsi, conformément aux arrêts du 19 juin 2025, le locataire d’un bail commercial ne bénéficie pas du droit de préemption lorsque la vente porte sur un ensemble comprenant d’autres locaux même non loués.
Ce motif de pur droit, substitué à celui de la cour d’appel, permet de rejeter le pourvoi.
Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 6 novembre 2025 n°23-21.442
FAQ
Le droit de préemption s’applique-t-il si plusieurs lots sont vendus en même temps ?
Seulement si ces lots appartiennent à un même propriétaire.
Un acte notarié unique suffit-il à qualifier une cession unique ?
Non. La Cour de cassation rejette explicitement cette analyse.
Le locataire d’un bail commercial peut-il préempter si un seul des lots est loué ?
Non. Lorsque la vente porte sur un ensemble comprenant des lots non loués, le droit de préemption est exclu.
La fraude peut-elle être invoquée pour contester une vente structurant plusieurs propriétaires ?
Dans cet arrêt, la Cour n’a pas retenu la fraude. Toutefois, une fraude avérée pourrait remettre en cause une opération visant à contourner le droit de préemption.
L’absence de notification de l’offre de vente entraîne-t-elle la nullité de la vente ?
Oui, si le droit de préemption était applicable. Sinon, aucune nullité ne peut être prononcée.