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Publié le 1 Juin 2025

Bail commercial : Compensation judiciaire et clause résolutoire : quand les dettes s’éteignent-elles réellement ?

La Cour de cassation rappelle que la compensation judiciaire entre des créances réciproques connexes produit son effet extinctif au jour où les dettes sont toutes deux exigibles en tenant compte de la rétroactivité. Par conséquent, la clause résolutoire d’un bail commercial, une fois acquise, peut être écartée ultérieurement par simple fixation rétroactive d’un loyer plus faible si, et ce même si entre-temps, l’échéancier n’a pas été respecté.

Pour mémoire, selon les articles L. 121-2 du code des procédures civiles d’exécution, L. 145-41 du code de commerce et 1290 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

  • le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages-intérêts en cas d’abus de saisie.
  • la clause résolutoire ne joue pas si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
  • la compensation s’opère de plein droit par la seule force de la loi, même à l’insu des débiteurs et les deux dettes s’éteignent réciproquement, à l’instant où elles se trouvent exister à la fois, jusqu’à concurrence de leurs quotités respectives.

Enfin, la jurisprudence considère que l’effet extinctif de la compensation judiciaire des créances réciproques connexes est réputé s’être produit au jour de l’exigibilité de la première d’entre elles (Cass., Com., 20 février 2007, pourvoi n° 05-19.858).

En l’espèce, un jugement du 23 mai 2017 a constaté la résiliation du bail commercial au 10 décembre 2015 et en a suspendu les effets en accordant des délais de paiement à la locataire, précisant que le non-respect de l’échéancier prévu entraînerait la reprise des effets de la clause, l’exigibilité immédiate de la dette locative, l’expulsion de la locataire et sa condamnation à payer une indemnité d’occupation jusqu’à libération effective des lieux.

Le 4 février 2019, un jugement du juge des loyers commerciaux a fixé le loyer du bail renouvelé depuis le 1er octobre 2013 à un montant inférieur à celui du bail précédent et acquitté par la locataire depuis le renouvellement. Un arrêt du 4 juin 2020 a fixé le montant du loyer du bail renouvelé à un prix encore inférieur.

Le 20 janvier 2022, la bailleresse a signifié à la locataire un commandement de quitter les lieux en vertu du jugement du 23 mai 2017, laquelle a saisi le juge de l’exécution d’une demande en mainlevée de ce commandement et indemnisation du préjudice subi à raison de sa délivrance.

Pour rejeter la demande de mainlevée du commandement de quitter les lieux, l’arrêt retient que l’échéancier prévu par le jugement du 23 mai 2017 n’a pas été respecté, de sorte que la clause résolutoire a automatiquement repris ses effets à la date de la première échéance, soit au 8 août 2017, puisque, si le jugement du juge des loyers commerciaux du 4 février 2019 a réduit le montant de la dette de la locataire, la compensation entre les créances respectives des parties ne s’est opérée qu’à cette date et que l’extinction de la dette de la locataire est donc postérieure à l’acquisition de la clause résolutoire.

La Cour de Cassation censure cette décision

En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si les conditions fixées par le jugement du 23 mai 2017 avaient été satisfaites par le jeu de la compensation en raison de la fixation, rétroactive, du loyer du bail renouvelé à compter du 1er octobre 2013, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.

Cour de cassation, 3e chambre civile, 22 Mai 2025 n° 23-20.288

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