L’agent immobilier ne peut prétendre à une commission ni à une indemnité lorsque la vente est conclue par une autre agence après résiliation de son mandat , et ce même avec un acquéreur présenté par la première agence. Ce contournement du mandat est souvent sujet à des discussions légales complexes.
1. Textes légaux applicables
Les règles encadrant la rémunération des intermédiaires immobiliers sont strictement définies par la loi n°70-9 dite loi Hoguet du 2 janvier 1970. Lorsque des clauses comme la clause pénale sont en jeu, attention aux conditions du mandat semi-exclusif.
L’article 6 de la loi Hoguet prévoit qu’aucune somme d’argent, rémunération ou valeur représentative d’honoraires, de frais ou d’entremise ne peut être exigée ou acceptée par un agent immobilier avant la conclusion effective de l’opération, constatée dans un acte écrit contenant l’engagement des parties.
Lorsqu’un mandat comporte une clause d’exclusivité ou une clause pénale, ces dispositions ne peuvent recevoir application que dans les conditions fixées par décret. En tout état de cause, la somme due au titre d’une telle clause ne peut excéder un plafond légalement fixé dans une transaction même après résiliation.
Par ailleurs, l’article 1231-5 du Code civil autorise le juge à modérer ou augmenter la pénalité convenue lorsqu’elle apparaît manifestement excessive ou dérisoire, et à la réduire proportionnellement en cas d’exécution partielle du contrat.
Ces textes rappellent le principe essentiel : l’agent immobilier n’a droit à rémunération qu’en cas de réalisation effective de la vente dans le cadre du mandat.
2. Jurisprudences applicables
La Cour de cassation a établi de longue date une ligne jurisprudentielle claire concernant le mandat semi-exclusif et les résiliations :
- En présence de mandats non exclusifs, la vente conclue par une autre agence ne donne aucun droit à commission à la première, même si elle a présenté l’acquéreur (Cass. 1re civ., 16 mai 2006, n° 04-20.477 ; Cass. 1re civ., 16 octobre 2013, n° 12-23.383 et 12-24.141 ; Cass. 1re civ., 15 janvier 2015, n° 13-25.955).
- La clause interdisant au mandant de traiter directement avec l’acquéreur présenté par l’agence ne s’applique pas si la vente est réalisée par l’intermédiaire d’une autre agence (Cass. 1re civ., 16 octobre 2013, précité) et sous certaines conditions de mandat semi-exclusif.
- L’agent immobilier peut néanmoins prétendre à commission si son intervention a été déterminante dans la réalisation de la vente, à condition d’en prouver le lien de causalité (Cass. 1re civ., 14 novembre 2000, n° 98-10.629).
3. Analyse des faits
Dans l’affaire soumise à la Cour d’appel de Besançon, une agence immobilière titulaire d’un mandat semi-exclusif de vente d’un appartement avait vu ce mandat résilié avant la conclusion de la vente, finalement réalisée par une autre agence.
L’agence initiale réclamait le paiement de la clause pénale prévue dans son mandat, soutenant que la venderesse avait vendu à des acquéreurs qu’elle-même avait déjà contactés, soulignant un contournement potentiellement illégal du mandat.
Or, la Cour a relevé que la mandante avait respecté son obligation d’informer l’agence de la vente intervenue après expiration du mandat et qu’il n’était pas établi qu’elle savait, au moment de la vente, que les acquéreurs avaient été présentés antérieurement par cette agence.
Dès lors, la venderesse n’avait pas agi sciemment pour évincer l’intermédiaire. La clause pénale n’a donc pas reçu application et aucune commission n’a été due.
Portée et enseignements de la décision
Même lorsqu’il a participé à la présentation de l’acquéreur, l’agent ne peut prétendre à rémunération que si la vente est effectivement conclue dans le cadre du mandat ou s’il démontre une intervention déterminante dans la transaction. Ce point est crucial dans des questions de contournement de mandat ou de clause pénale.
Elle confirme également que la clause pénale prévue au mandat ne s’applique pas lorsqu’aucune intention frauduleuse du mandant n’est caractérisée et que la vente a été réalisée via une autre agence. Enfin, en cas de litige, le juge peut toujours modérer la pénalité prévue au contrat, en application de l’article 1231-5 du Code civil.
Conclusion
La Cour d’appel de Besançon rappelle que l’agent immobilier ne peut prétendre à une commission ni à une indemnité lorsque la vente est conclue après résiliation du mandat et par une autre agence, sauf preuve d’une intervention déterminante et connaissance avérée du vendeur. En cas de litige sur le mandat semi-exclusif, la commission et la résiliation peuvent poser des soucis complexes.
Cour d’appel, Besançon, 1re chambre, 23 septembre 2025 – n° 24/00853
FAQ
Un agent peut-il réclamer une commission si la vente a lieu par une autre agence ?
Non, sauf clause expresse applicable ou preuve d’une intervention déterminante dans la vente.
Une clause pénale reste-t-elle valable après expiration du mandat ?
Non, elle ne produit effet que si la vente a été conclue pendant la durée du mandat et avec un acquéreur présenté par l’agence, sauf conditions particulières de résiliation et de contournement du mandat.
Le juge peut-il réduire une clause pénale jugée excessive ?
Oui, conformément à l’article 1231-5 du Code civil, le juge peut modérer ou augmenter la pénalité si elle est manifestement disproportionnée.