Le mécanisme d’étalement de la hausse du loyer de 10 % par an, prévu par le dernier alinéa de l’article L. 145-34 du Code de commerce, ne s’applique pas aux baux tacitement reconduit au-delà d’une durée de 12 ans.
1. Textes légaux applicables
Aux termes de l’article L. 145-34 du Code de commerce :
« À moins d’une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33 du même code, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d’effet du bail à renouveler, si sa durée n’est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré de l’indice trimestriel des loyers commerciaux ou des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l’article L. 112-2 du Code monétaire et financier. »
« Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque, par l’effet d’une tacite prolongation, la durée du bail excède douze ans. »
« En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 145-33 ou lorsqu’il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d’une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente. »
Il résulte de ces dispositions que le dispositif de lissage de la hausse de loyer de 10 % ne concerne pas:
- les baux à usage exclusif de bureaux
- les baux de locaux monovalents
- les baux de terrain
- les baux qui se prolonge tacitement au-delà des 12 ans
- les baux prévoyant une clause écartant ce mécanisme du lissage
2. Jurisprudence applicable
La Cour de cassation confirme que l’étalement n’est pas d’ordre public et que les parties peuvent convenir de ne pas l’appliquer (Cass. 3e civ., avis, 9 mars 2018, n° 17-70.040). Rares sont les décisions sur ce sujet de l’étalement.
3. Analyse des faits et portée de la décision
En l’espèce, la SCI Foch, bailleresse, avait donné à bail commercial à la société Monoprix Exploitation un local à compter du 1er octobre 2001.
Par acte du 17 juin 2014, elle lui délivre congé avec offre de renouvellement à effet du 1er octobre 2014.
La Cour d’appel, par arrêt du 21 janvier 2021, avait jugé que le loyer du bail renouvelé devait être déplafonné, la durée du bail expiré ayant dépassé douze ans du fait de la tacite prolongation.
La locataire soutenait que la hausse de loyer consécutive au déplafonnement devait être étalée sur plusieurs années, dans la limite de 10 % par an, conformément au dernier alinéa de l’article L. 145-34.
La Cour de cassation rejette cet argument.
Elle rappelle que le dispositif de lissage de 10 % ne vise que :
- les baux dont la durée contractuelle est supérieure à neuf ans ;
- ou ceux dont le déplafonnement résulte d’une modification notable des éléments de la valeur locative.
En conséquence, les baux de neuf ans prolongés tacitement au-delà de douze ans ne peuvent en bénéficier.
La cour d’appel ayant relevé que le bail s’était poursuivi par tacite prolongation au-delà de douze ans, elle en a exactement déduit que la demande de la locataire devait être rejetée.
Conclusion
Le mécanisme d’étalement de la hausse du loyer de 10 % par an ne trouve aucune application lorsque le bail initial de neuf ans s’est simplement prolongé tacitement au-delà de douze ans.
Dans ce cas, le loyer du bail renouvelé est immédiatement ajusté à la valeur locative, sans limitation de la hausse.
Cette décision réaffirme une lecture stricte de l’article L. 145-34 du Code de commerce, distinguant clairement :
- la durée contractuelle supérieure à neuf ans, qui ouvre droit à l’étalement,
- de la prolongation tacite, qui ne modifie pas la nature initiale du bail.
Cour de cassation, 3e chambre civile, 16 octobre 2025, n° 23-23.834