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Publié le 2 Nov 2025

Vente immobilière : le vendeur responsable d’un défaut de raccordement au tout-à-l’égout

Lorsqu’un bien immobilier est vendu comme étant raccordé au réseau d’assainissement collectif, le vendeur doit pouvoir en apporter la preuve. À défaut, il engage sa responsabilité pour manquement à l’obligation de délivrance conforme, même si l’agent immobilier a rédigé l’acte sans vérifier les informations erronées communiquées par le vendeur.

1. Textes légaux applicables

L’article 1611 du Code civil prévoit que :

« Dans tous les cas, le vendeur doit être condamné à des dommages et intérêts s’il résulte un préjudice pour l’acquéreur du défaut de délivrance au terme convenu. »

Ainsi, le vendeur est tenu de délivrer un bien conforme à la description contractuelle, sous peine d’être condamné à réparer le préjudice de l’acquéreur.

Les obligations d’information en matière d’assainissement sont par ailleurs encadrées par les articles L. 1331-1 du Code de la santé publique et L. 271-4 du Code de la construction et de l’habitation, qui imposent la production d’un document de contrôle de conformité du système d’assainissement avant toute vente.

Enfin, selon l’article 1992 du Code civil, le mandataire (ici, l’agent immobilier) « répond non seulement du dol mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion », mais cette responsabilité suppose une faute avérée dans la conduite du mandat.


2. Jurisprudences applicables

La Cour de cassation a précisé que l’agent immobilier n’est pas tenu de vérifier la conformité du système d’assainissement, sauf s’il a eu connaissance d’un problème ou d’une non-conformité (Cass. 3e civ., 28 janv. 2015, n° 13-19.945 et n° 13-27.050).

En d’autres termes, un défaut de raccordement au réseau d’assainissement constitue un manquement à l’obligation de délivrance ( Cass. 3e civ., 19 sept. 2019, n° 18-18.394)

De plus, la jurisprudence constante exige que la perte de chance indemnisable soit directe, certaine et mesurée à la probabilité de réalisation de l’avantage espéré (Cass. 1re civ., 16 avr. 2015, n° 13-15.858).

Ces principes guident l’appréciation du préjudice de jouissance subi par l’acquéreur lorsqu’un bien vendu comme raccordé au tout-à-l’égout ne l’est pas.


3. Analyse des faits

Les acquéreurs d’une maison ancienne à rénover ont découvert après l’achat que le bien n’était pas raccordé au réseau d’assainissement collectif, contrairement à ce qu’indiquait l’acte de vente.


Le vendeur avait affirmé que le logement respectait les règles du tout-à-l’égout, sans fournir le diagnostic obligatoire.

Le bien avait été acheté pour un investissement locatif, mais la location s’est révélée impossible en l’absence de système d’évacuation conforme.
Les locataires potentiels ont refusé la location, invoquant « les problèmes de tout-à-l’égout ».

Les juges ont constaté qu’il n’existait pas même de système autonome fonctionnel et que le vendeur avait fourni une information erronée dans l’acte, engageant ainsi sa responsabilité pour manquement à l’obligation de délivrance.

En conséquence, la Cour d’appel de Versailles a :

  • condamné le vendeur à verser 10 125 € au titre du préjudice de jouissance, correspondant à une perte de chance de louer le bien, évaluée à 50 % des gains locatifs potentiels ;
  • condamné le vendeur à 6 229 € pour les travaux de raccordement ;
  • confirmé que l’agent immobilier n’avait pas commis de faute, faute d’avoir été informé par le vendeur de la non-conformité du bien.

Portée et enseignements de la décision

Cette décision rappelle plusieurs points essentiels :

  • Le vendeur engage sa responsabilité contractuelle lorsqu’il délivre un bien non conforme aux informations portées dans l’acte, notamment sur le raccordement au réseau d’assainissement collectif.
  • Le préjudice de jouissance des acquéreurs peut être indemnisé sous la forme d’une perte de chance de louer, à condition qu’elle soit certaine et directe.
  • L’agent immobilier, même rédacteur de l’acte, n’est pas tenu de vérifier l’exactitude des informations techniques déclarées par le vendeur, sauf indice contraire ou information reçue.

La Cour d’appel de Versailles adopte ainsi une position équilibrée : la faute du vendeur est caractérisée, mais la neutralité de l’agent immobilier est préservée en l’absence d’alerte ou de manquement spécifique.


Conclusion

Le vendeur reste seul responsable de la conformité du bien vendu et de l’exactitude des mentions figurant dans l’acte de vente.
En revanche, l’agent immobilier ne peut être tenu de garantir le vendeur qu’en cas de faute caractérisée ou de réticence fautive.

Cour d’appel, Versailles, Chambre civile 1-3, 2 octobre 2025 – n° 22/03052

FAQ

Le vendeur est-il responsable si le bien n’est pas raccordé au tout-à-l’égout ?
Oui. Le vendeur manque à son obligation de délivrance conforme et doit indemniser l’acquéreur.

L’agent immobilier doit-il vérifier la conformité de l’assainissement ?
Non, sauf s’il a été informé d’un problème ou s’il disposait d’éléments révélant la non-conformité.

Peut-on louer un logement non raccordé au tout-à-l’égout ?
Oui, à condition qu’il dispose d’un système autonome conforme et entretenu, ce qui n’était pas le cas ici.

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