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Publié le 23 Fév 2011

Responsabilité du notaire du fait de sa mauvaise interprétation des clauses de la promesse

L’existence d’incertitudes juridiques évidentes , quant à la possible prorogation de la promesse, doivent conduire le notaire, dans le cadre de son devoir de conseil, à mettre en garde son client.

En l’espèce, par acte sous seing privé en date des 15 et 16 septembre 2005, reçu par M. G, notaire associé de la Scp notariale F et G, M. Philippe Z, assisté pour la rédaction de la promesse de M. X, notaire à paris, a consenti à M. Thierry H, moyennant le prix principal de 1.300.000 euro, une promesse unilatérale de vente pour une durée expirant le 30 décembre 2005 à 16 heures avec une clause de prorogation, portant sur des biens immobiliers lui appartenant sis à Paris 16e, …et faisant l’objet d’une procédure de saisie immobilière.

Le notaire de M. Z a sollicité de l’ensemble des quatre créanciers hypothécaires inscrits qu’ils donnent mainlevée avant la réalisation de la vente ; trois d’entre eux ont transmis au cours des mois de décembre 2005 et janvier 2006, les actes de mainlevée nécessaires, le quatrième a, quant à lui, précisé qu’il donnerait mainlevée du commandement de saisie dès qu’il serait réglée des sommes qui lui étaient dues.

Au 30 décembre 2005, M. H n’avait pas levé l’option.

Par mail du 20 janvier 2006, M. I de la Scp X a écrit à son confrère pour lui demander confirmation qu’à défaut de prorogation, les parties se trouvaient déliées de tout engagement à ce jour et par télécopie du même jour, M. J, de la Scp F G lui répondait que dans la mesure où tous les créanciers inscrits n’avaient pas donné leur accord de mainlevée, la vente ne pourrait pas être constatée, qu’en tout état de cause, la prorogation automatique ne pourrait dépasser de 30 jours le délai fixé et que dans ces conditions, il lui semblait que M. Z ne pouvait s’estimer délié de ses engagements avant le 30 janvier 2006.

Le 30 janvier 2006 étant passé, M. Z, s’est estimé délié de tout engagement sur les conseils de son notaire, la Scp X considérant la promesse de vente était caduque au 30 janvier 2006, date à laquelle aucune signature n’était intervenue.

Puis, le 9 février 2006, M. Z a consenti une nouvelle promesse de vente sur lesdits biens à la société Lago Développement aux droits de laquelle vient la Sci Levis Villiers ayant pour gérant M. K, sous la condition suspensive de l’obtention par la bénéficiaire du financement nécessaire, la réitération de la vente devant intervenir le 25 mars 2006 au plus tard.

M. H a alors assigné à jour fixe M. Z devant le Tribunal de grande instance de Paris, procédure à laquelle sont intervenues volontairement les sociétés Lago Développement et Sci Levis Villiers tandis que l’action dirigée également à l’encontre de M. X était disjointe.

Par jugement du 6 juin 2006, devenu définitif, a constaté que la vente conclue selon promesse de vente du 15 septembre 2005 entre M. H et M. Z était parfaite au 27 février 2006 par la levée de l’option effectuée par M. H, en a ordonné la réalisation forcée et a prononcé à l’encontre de M. Z des condamnations pécuniaires au profit de M. H d’une part et des sociétés Lago Developpement et Sci Levis Villiers d’autre part, pour un montant de 58.500 euro.

M. Z a assigné la Scp X et associés devant le TGI de Paris en recherchant sa responsabilité civile professionnelle pour manquement à sa mission et à son devoir de conseil à son égard dès lors que bien que chargé de procéder à la régularisation des mainlevées de tous les créanciers inscrits, informé par un courriel du 20 janvier 2006 de son confrère M. G, que l’un des créanciers refusait de donner mainlevée à défaut d’être réglé, il a néanmoins accepté de régulariser une nouvelle promesse de vente sans s’assurer que la première était caduque.

Par jugement en date du 8 septembre 2009, le tribunal a condamné la Scp notariale X et associés à indemniser les préjudices en réparation de ses fautes ; la SCP a relevé appel.

La SCP notariale X a fait appel.

La Cour d’appel a considéré qu’il existait des incertitudes juridiques évidentes qui devaient conduire le notaire, dans le cadre de son devoir de conseil, à mettre en garde son client M. Z et à l’inciter à la plus grande prudence et notamment en raison de:

– l’existence d’une volonté d’acquérir de M. H,

– de l’interprétation divergente des clauses de la promesse de vente, dès lors qu’il ressort de l’échange de courriels à partir du 20 janvier 2006 entre les notaires que M. H considérait que l’absence de transmission des mainlevées par l’ensemble des créanciers pouvait être considérée comme une carence de la part de M. Z, de nature à proroger les effets de la promesse ; qu’à cet égard, le notaire devait tout simplement prendre en compte la clause très claire incluse dans le paragraphe intitulé « délai », ci-dessus rapportée selon laquelle :

« En cas de carence du promettant pour la réalisation de la vente, ce dernier ne saurait se prévaloir à l’encontre du bénéficiaire de l’expiration de la promesse ci-dessus fixée. »

La promesse de vente comportait en effet, à partir de la page 10 de l’acte, diverses conditions suspensives, dont celle relative à la mainlevée du commandement de saisie, ainsi rédigée :

« La présente promesse est consentie sous la condition que soit établi, aux frais exclusifs du promettant, l’acte constatant la mainlevée par l’ensemble des créanciers inscrits de l’inscription de commandement de saisie prise sur les biens à la diligence de la Caisse d’Epargne et de prévoyance d’Ile de France », ainsi que celle, auquel seul le bénéficiaire pouvait renoncer, relative à la situation hypothécaire sus rappelée ; le notaire n’avait pas qualité à se faire juge du bien fondé de l’argumentation développée par M. H quant à la carence du promettant ; en se limitant à prendre en compte, comme il l’explique, l’absence de levée d’option, il a fait prendre des risques à M. Z et n’a pas satisfait à ses obligations professionnelles.

De même, par une motivation également pertinente, le jugement déféré a retenu un manquement du notaire à son obligation d’assurer l’utilité et efficacité des actes juridiques qu’il rédige, dès lors que la seconde promesse de vente consentie à la Sci Levis Villiers, venant aux droits de la société Lago Développement, bénéficiaire de bonne foi d’une promesse synallagmatique de vente rédigée par la Scp X, n’était pas valide du fait de la vente intervenue au profit de M. H.

Le jugement est en conséquence confirmé en ce qu’il a retenu la faute du notaire, lequel a engagé par ses divers manquements sa responsabilité professionnelle tant à l’égard de M. Z que de la Sci Levis Villiers et en ce qu’il l’a condamné à réparer les préjudices subis en lien direct de causalité avec sa faute.

C.A. de Paris, Pôle 2, Ch. 1, 1er février 2011 (N° de RG : 09/20.479),

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