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Publié le 9 Mar 2013

Responsabilité absolue des notaires même en cas de mauvaise foi des acquéreurs

Même de mauvaise foi, les acquéreurs sont déchargés de l’obligation de procéder aux vérifications nécessaires à l’efficacité des actes de vente, cette obligation ne pesant que sur le notaire.

Les notaires sont tenus de vérifier la validité et l’efficacité des actes qu’ils instrumentent et de s’assurer que le projet poursuivi par les contractants est réalisable eu égard à la réglementation applicable. La jurisprudence est d’autant plus sévère qu’elle interprète strictement les causes d’exonération de responsabilité.

La présente décision est la parfaite démonstration de cette obligation.

En l’espèce, ni la qualité de professionnel des acquéreurs ni leur mauvaise foi n’ont été retenues pour décharger le notaire de sa responsabilité à leur égard.

Dans cette affaire une SCI avait acquis un immeuble avant d’être placée en liquidation judiciaire. L’ordonnance du juge commissaire ayant autorisé la vente de cet immeuble avait précisé qu’il devait être dédié à l’exploitation d’un établissement pour adolescents handicapés.

Cet immeuble avait fait l’objet d’une première vente, puis d’une seconde vente après découpe en trois lots d’appartements à usage d’habitation. La première vente et les trois ventes subséquentes ayant été annulées pour défaut de pouvoir du gérant de la SCI, les sous-acquéreurs recherchaient la responsabilité du notaire qui avait instrumenté les actes.

Le notaire contestait sa garantie au motif que les acquéreurs n’étaient pas de bonne foi et avaient pris délibérément un risque puisqu’ils avaient connaissance de l’affectation des lots.

Cet argument n’est pas reçu par la Cour de cassation qui estime que, même de mauvaise foi, les acquéreurs étaient déchargés de l’obligation de procéder aux vérifications nécessaires à l’efficacité des actes de vente, cette obligation ne pesant que sur le notaire.

Cet arrêt peut sembler bien sévère dès lors qu’en principe, la faute de la victime est une cause d’exonération. Il est cependant loin d’être isolé (en matière de responsabilité du locateur d’ouvrage, Civ. 3e, 21 nov. 2012, n° 11-25.200).

La jurisprudence érige l’obligation de conseil du notaire en devoir absolu. La profession de l’acquéreur ou le fait qu’il se soit entouré du conseil d’un professionnel du droit n’exonèrent par le notaire de ses obligations à son égard (V. Civ. 1re, 7 juill. 1998, n° 96-14.192,; 27 juin 1995, n° 92-19.621). Il appartient au notaire seul de vérifier l’efficacité des actes de vente, à l’exclusion des parties aux contrats.

En outre, le notaire ne doit pas seulement informer mais il doit conseiller. Le seul fait que l’information ait été portée à la connaissance de l’acquéreur ne suffit pas à l’exonérer de sa responsabilité. Le notaire doit mettre en garde l’acquéreur sur l’ensemble des risques et des conséquences éventuelles si ceux-ci se réalisent (Civ. 3e, 23 mai 2007 n° 06-11.889). La faute de la victime ne déchargera le notaire de sa responsabilité que lorsque, dûment informée des risques et conseillée, celle-ci s’y est exposée en toute connaissance de cause (Civ. 1re, 23 mars 1999 ; Paris, 2 févr. 1999, RTD civ. 2000. 323, obs. J. Mestre et B. Fages ).

Il résulte de cette jurisprudence que le notaire doit impérativement constituer la preuve de la délivrance des mises en garde en se ménageant un écrit, dont la rédaction doit être rigoureuse (Civ. 3e, 23 mai 2007 n° 06-11.889).

L’arrêt commenté appelle également l’attention s’agissant de la question du préjudice indemnisable. La Cour de cassation estime que l’acquéreur, souhaitant revendre le bien acquis, avait perdu, non tout ou partie de la valeur de l’immeuble, mais le profit qu’il aurait tiré de l’opération d’achat et de revente des biens, cette somme ayant été estimée forfaitairement pas la cour d’appel. Le notaire est également condamné à indemniser les établissements bancaires, la nullité de la vente ayant pour conséquence la nullité du prêt, ces établissements ayant perdu les intérêts conventionnels.

Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 30 janvier 2013 n°11-26074, 11-26648 et 11-27970

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