En cas de refus de l’État d’exécuter une décision de justice malgré la demande de l’huissier de prêter son concours à l’expulsion, le propriétaire bailleur peut être indemnisé a minima de ce qu’il aurait dû percevoir et notamment de l’indemnité d’occupation, des charges et taxes non acquittées par l’occupant (ancien locataire), le coût des dégradations et des dommages et intérêts.
Pour mémoire, lorsque le propriétaire obtient une décision judiciaire prononçant l’expulsion du locataire, l’huissier de justice va délivrer un commandement de quitter les lieux à l’occupant qui dispose d’un délai de deux mois pour restituer les lieux (article L 411-1 du Code de Procédure Civile d’Exécution). Ledit commandement est également notifié au préfet.
Passé ce délai de deux mois, souvent l’occupant, ancien locataire, se maintient dans les lieux.
Sans le concours de la force publique, l’huissier ne peut alors pas contraindre physiquement l’occupant à libérer ou quitter les lieux. L’huissier va alors requérir le concours de la force publique pour pouvoir procéder à l’expulsion.
A compter de la réquisition du concours de la force publique, le Préfet dispose d’un délai de deux mois pour accorder ou non le concours de la force publique.
Deux hypothèses se présentent :
Dès lors que le concours n’est pas accordé, le propriétaire, surtout si l’occupant ne paye pas d’indemnité d’occupation, aura tout intérêt à introduire un recours contre l’Etat afin de voir sa responsabilité engagée et solliciter une indemnisation du préjudice subi en application de l’article L 153.1 du Code de Procédure Civile d’Exécution.
QUELLES SONT LES TROIS SOLUTIONS POSSIBLES POUR OBTENIR GAIN DE CAUSE ?
Solution n° 1 : Le recours gracieux contre l’Etat
Avant de poursuivre l’État devant la juridiction administrative, le propriétaire bailleur doit notifier par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par voie d’huissier un recours gracieux contre le Préfet. Ce recours doit être introduit dès le refus exprès de l’Administration ou bien à l’expiration du délai de 2 mois après le dépôt de la réquisition.
Cette requête doit demander, d’une part, l’annulation de la décision expresse ou tacite du refus de concours, et d’autre part, indiquer le montant du préjudice subi et dont il est demandé l’indemnisation. Cette requête doit être accompagnée de tous les éléments justificatifs : décision judiciaire, procès-verbal de réquisition du concours de la force publique, réponse du Préfet le cas échéant, les preuves du préjudice subi et notamment l’absence de perception de l’indemnité d’occupation
A compter de la notification ou de la signification de la requête, le Préfet dispose d’un délai de 4 mois pour rendre sa décision qui peut être favorable, défavorable.
Comme d’habitude, le silence du Préfet vaut refus.
Dans la pratique, le seul fait de demander l’indemnisation permet au bailleur d’obtenir une indemnisation correspondant aux impayés postérieurs à la décision refusant le concours de la force publique, de telle manière que les recours contentieux devant le Tribunal administratif se font de plus en plus rares.
Solution n°2 : Le recours contentieux contre l’État
En cas de refus de faire droit à la requête gracieuse introduite auprès du Préfet, le propriétaire bailleur doit dans le délai de deux mois du refus saisir le Tribunal Administratif dans le ressort duquel se trouve l’immeuble loué afin d’obtenir que l’État soit condamné à mettre en œuvre l’expulsion et le cas échéant à indemniser le propriétaire bailleur.
Solution n°3 : En cas d’urgence, le référé liberté contre l’État
Suite au refus du Préfet, en cas d’urgence conjugué avec des faits graves (lorsque l’occupant présente un danger pour les autres occupants de l’immeuble), l’Administration porte alors une atteinte grave et manifestement illégale aux droits du propriétaire bailleur.
Dans ce cas, une procédure d’urgence appelée référé-liberté, et aux termes de laquelle le juge doit se prononcer dans les 48 h à compter de la requête (article L 521-2 du Code de Justice Administrative) doit être introduite.
L’introduction d’une telle procédure nécessite de caractériser l’atteinte grave et l’illégalité manifeste devront être spécialement caractérisées. La perte de revenu locatif n’est pas pour le Conseil d’Etat constitutif d’une urgence ni une occupation sans droit ni titre d’une partie de l’immeuble (CE réf. 30/10/2003, n°261353, Sté Kentucky)
COMMENT DETERMINER LA PERIODE D’INDEMNISATION DU PREJUDICE SUBI PAR LE BAILLEUR ?
La période pendant laquelle, le propriétaire bailleur peut demander le paiement des indemnités d’occupation :
Exemple :
COMMENT DETERMINER LE MONTANT DE L’INDEMNISATION QUE LE BAILLEUR PEUT RECLAMER A L’ETAT ?
L’indemnisation que peut réclamer le propriétaire bailleur à l’Etat pendant la période d’indemnisation visée ci-avant est composé des 5 éléments suivants :
Enfin, les mêmes indemnités peuvent être obtenues, si le Préfet tarde à mettre en œuvre l’expulsion malgré la décision accordant le concours de la force publique et que ce retard est imputable à l’administration, alors la responsabilité de l’État reprend à compter du 15ème jour après la décision octroyant le concours (Conseil d’État, 5ème et 4ème sous-sections réunies, 27/01/2010, 320642)
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Vos commentaires
# Le 14 juillet 2020 à 09:33, par rouger
le ministre du logement avait annoncé que les bailleur seraient indemnisés pendant la prolongation de la trêve hivernale du 1 avril au 10 juillet.
avez vous des nouvelles a ce sujet ?
cordialement
# Le 18 septembre 2020 à 15:46, par FOURNIER
Bonjour, J’ai obtenu le concours de la Force Publique pour l’expulsion de mon locataire à compter du 31 août 2020. Mon locataire occupe toujours l’appartement et l’huissier n’a toujours pas de date d’expulsion manu militari à me communiquer. Il n’a pas de réponse du commissaire de police et mon locataire refuse de quitter l’appartement.
J’ai adressé un recours indemnitaire gracieux au Préfet le 22 août 2020. A ce jour, je n’ai pas de réponse.
Je vous remercie de bien vouloir me préciser les démarches à entreprendre pour accélérer l’expulsion et obtenir le paiement des indemnités pendant la période de Responsabilité de l’Etat qui a démarré le 23 septembre 2019 (le Concours de la Force Publique a été demandé par l’huissier le 23 juillet 2019).
Merci d’avance pour votre réponse.
Cordialement
M.T. Fournier
# Le 21 septembre 2020 à 16:08, par J. DO
Bonjour,
Grâce à votre revue, j’ai pu faire une demande d’indemnisation à la Préfecture, le délai de 2 mois courant de la demande de l’huissier pour l’octroi de la force publique ayant expiré le 26 août 2020.
Vous indiquez que cette indemnisation peut comprendre "le montant des dégradations commises par les occupants sur présentations de justificatifs" : or, celles-ci ne pourront être établies qu’après l’expulsion, sur devis par exemple.
Question : les dégâts doivent-ils être constatés par l’huissier présent pour l’expulsion (dans la continuité de sa mission) ou bien faut-il une demande spécifique du bailleur ?
Merci pour votre réponse,
Cordialement,
J. DO
# Le 19 janvier 2021 à 14:31, par SERGE ELIE
Je vous soumets le problème suivant :
Demande force publique préfecture le 15 mars 2020 avec décision expulsion tribunal le 15 novembre 2019
PAS DE RÉPONSE ET PROLONGATION TRÈVE HIVERNALE JUSQU’AU 10 JUILLET
Sortie du locataire le 18 aout 2020
Acceptation de la préfecture d’indemniser à partir du 15 aout 2020 soit 3 jours et non à partir du 11 juillet
Est ce normal ? merci de votre réponse
# Le 6 février 2021 à 23:01, par Laurent M
Bonjour,
Une précision mériterait d’être apportée à votre article :
Les préfectures ne répondent jamais à une demande de CFP durant la trêve hivernale, laquelle leur permet de "surseoir à toute mesure d’expulsion" selon leur interprétation du texte.
Par ailleurs, c’est le refus de CFP qui ouvre droit à réparation, or dans le cas d’un refus implicite acquis dans les deux mois, en l’absence de réponse. Il y a bien un refus qui devrait donc ouvrir droit à réparation, qu’il tombe ou non pendant la trêve hivernale.
C’est un peu "tiré par les cheveux" et reste une ambiguïté entre les articles L153-1, R153-1 et L412-6 du CPCE.....
Comment un juge du TA, interpréterai cette lecture ?
# Le 10 novembre 2021 à 15:04, par ardoin
Si il est clair que la trêve hivernale vient retarder la date de début d’indemnisation à 2 mois après sa fin, vient elle également suspendre une indemnisation en cours ?
Sur un exemple :
Demande d’intervention de la force publique pour expulsion le 1er juillet
Début de la période d’indemnisation le 1er septembre
Si l’expulsion n’est toujours pas effective au début de la trêve hivernale suivante, l’indemnisation va-t-elle continuer pendant la période de trêve hivernale jusqu’à l’expulsion effective ?
# Le 29 avril 2022 à 13:10, par Christophe s
Bonjour
j ‘ai reçu de mon huissier le recours de la force publique prévu pour le 07/07/2020. Et ma locataire n’a été expulsé que le 15/04/2022. J’ai envoyé une demande d’indemnisation à la préfecture pour la période du 07/09/2020 au 31/03/2022. La préfecture me propose une indemnisation qui partirait seulement du 07/09/2021 au 31/03/2022. N’étant pas d’accord puis je contester cette décision et quelles sont mes options.
En vous remerciant par avance pour votre réponse
Bien cordialement
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