En cas de fixation du loyer du bail commercial renouvelé à la valeur locative/déplafonné, pour l’application du lissage de 10% , la Cour de Cassation considère qu’il appartient aux parties et non au juge des loyers commerciaux d’arrêter le lissage des loyers qui sera applicable entre elles durant la période au cours de laquelle s’applique l’étalement de la hausse du loyer.
Alors que les praticiens et professionnels de l’immobilier attendaient du monde judiciaire de l’éclairer sur les modalités d’application du lissage et son adéquation avec l’indexation, sans oublier les incertitudes liées à la rédaction du texte, la Cour de Cassation renvoie les parties à leur responsabilité et ouvre la voie à l’existence de nombreux contentieux quand aux modalités d’application.
Faisons le point.
La loi Pinel a instauré un nouveau mécanisme pour limiter les effets de l’augmentation des loyers lors de sa fixation à la valeur locative et notamment lors de la fixation du loyer du bail renouvelé que les praticiens appellent « plafonnement du déplafonnement » ou « lissage ».
En effet, l’article L.145-34 alinéa 4 du Code de commercedispose que :
« En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L.145-33, ou s’il est fait exception aux règles du plafonnement par suite d’une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente ».
Les questions qui se posent sur l’application de cet article sont les suivantes :
Le juge des loyers commerciaux du Tribunal de Grande Instance de Dieppe a formulé une demande d’avis le 4 décembre 2017 en ces termes :
Les dispositions de l’article L. 145-34 du code de commerce (...) :
Voici la réponse de la Cour de Cassation :
1- Le juge des loyers ne fixe pas l’échéancier du lissage
"Il revient aux parties, et non au juge des loyers commerciaux dont la compétence est limitée aux contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, d’établir l’échéancier de l’augmentation progressive du loyer que le bailleur est en droit de percevoir."
En d’autres termes, le juge des loyers commerciaux n’est pas compétent pour fixer l’échéancier, mais qu’en est-il du Tribunal de Grande Instance qui en application de l’article R 145-23 du Code de Commerce peut statuer sur tous les sujets autres que la fixation du loyer.
2- Notion de "loyer acquitté" et limite d’application du lissage
A la seconde question, la Cour de Cassation indique que "L’étalement prévu par le texte s’opère annuellement par l’application d’un taux qui doit être égal à 10 % du loyer de l’année précédente, sauf lorsque la différence entre la valeur locative restant à atteindre et le loyer de cette année est inférieure à ce taux."
Ici, la Cour de cassation fait référence au loyer « acquitté » comme celui de l’année précédente. Cela permet enfin de lever l’incertitude sur la notion de loyer acquitté. Les puristes tenteront de contester ou pas....
Concernant la majoration de 10% annuelle, la Cour de Cassation précise qu’elle s’applique sauf sauf lorsque la différence entre la valeur locative restant à atteindre et le loyer de cette année est inférieure à ce taux. Ainsi, s’i pour atteindre la valeur lotcative, il faut par exemple seulement procéder à une augmentation de 7,5% la dernière fois alors c’est la proportion qu’il conviendra de retenir.
3- Le Lissage/ plafonnement du déplafonnement n’est pas d’ordre public
Enfin, la Cour de cassation rassure les praticiens et clôture définitivement la discussion en soulignant que « l’étalement n’étant pas d’ordre public, les parties peuvent convenir de ne pas l’appliquer ».
En effet, ni l’article L 145-15, ni l’article L 145-16 qui visent expressément les dispositions d’ordre public ne visent l’article L.145-34 du Code de commerce.
En conséquence, il est possible de déroger contractuellement au lissage, ce que les praticiens font dans la grande majorité des cas.
Sur ce point au moins, ils seront rassurés.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 9 mars 2018 n°17-70040
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Vos commentaires
# Le 26 mars 2018 à 11:38, par BOURDIN
Cher maître,
N’est t il pas possible d’effectuer le raisonnement par analogie concernant les baux d’habitation d’une durée de 8 ans de sortie de la loi du 1er septembre 1948 qui prévoyait une augmentation par huitième retenant la solution d’un loyer d’objectif supérieur au montant fixé à l’origine en tenant compte du huitième et de la révision annuelle.
Veuillez agréer, cher maître, mes sincères salutations.
# Le 2 mars à 11:55, par GLEMAIN
Bonjour
Je n’arrive pas à savoir si pour un bail prolongé pendant plus de 12 ans le lissage de 10% du nouveau loyer est applicable. En effet, j’ai un bail qui s’est prolongé pendant 20ans et bien entendu la valeur locative d’après le voisinage a augmenté de 30%
Merci de votre réponse
Cordialement
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