Avocats à la Cour d’appel de Paris

Agent immobilier

Gabriel Neu-Janicki

La rémunération est due même en l’absence de mandat signé !

dimanche 8 octobre 2017, par Gabriel Neu-Janicki

Dans un arrêt de principe, la Cour de Cassation affirme que dorénavant le non-respect du formalisme légal de la loi Hoguet et de son décret d’application, qui ont objet la sauvegarde des intérêts privés du mandant, entraîne une nullité relative, laquelle peut être couverte par la ratification ultérieure des actes de gestion accomplis sans mandat ou la constatation d’un accord même non signé.

En d’autres termes, même en l’absence de mandat signé voir régulier, dès lors que la relation contractuelle s’est installée entre les parties sans reproche, la Cour de Cassation semble bien considéré qu’il y a mandat.

En l’espèce, une société, cessionnaire d’une partie du portefeuille de clientèle d’un agent immobilier à qui avait été confiée la gestion locative de deux immeubles, pour une durée d’un an, renouvelable par tacite reconduction jusqu’au 1er janvier 1999, a poursuivi cette mission pour le compte des héritiers du mandant, décédé le 4 mars 2000, jusqu’à ce que ceux-ci y mettent un terme, à compter du 30 juin 2007, pour le premier, et du 1er novembre 2008, pour le second.

Soutenant que l’agent immobilier avait géré leurs biens sans détenir de mandat écrit depuis le 1er janvier 1999, les héritiers du mandant l’ont assigné en restitution des honoraires perçus entre le premier trimestre 2000 et le deuxième trimestre 2008.

Selon les articles 1er et 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, dans leur rédaction issue de la loi n° 94-624 du 24 juillet 1994, applicable en la cause, les conventions conclues avec les personnes physiques ou morales qui, d’une manière habituelle, se livrent ou prêtent leur concours aux opérations portant sur les biens d’autrui et relatives, notamment, à la gestion immobilière, doivent être rédigées par écrit.

Suivant l’article 64, alinéa 2, du décret n° 72-678 du 20 juillet 1972, le titulaire de la carte professionnelle "gestion immobilière" doit détenir, à moins qu’il ne représente la personne morale qu’il administre, un mandat écrit qui précise l’étendue de ses pouvoirs et qui l’autorise expressément à recevoir des biens, sommes ou valeurs, à l’occasion de la gestion dont il est chargé.

La Cour de cassation jugeait jusqu’à présent que ces dispositions, qui sont d’ordre public, sont prescrites à peine de nullité absolue, excluant toute possibilité de confirmation du mandat comme de ratification ultérieure de la gestion (Cour de cassation 1re civ., du 22 mars 2012 , n° 15-20.411, Bull. 2012, I, n° 72 ; Cour de cassation 1re civ., du 2 déc. 2015 , n° 14-17.211).

Toutefois, l’évolution du droit des obligations résultant de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, d’après laquelle la nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général et relative lorsque cette règle a pour objet la sauvegarde d’un intérêt privé, a conduit la Cour de cassation à apprécier différemment l’objectif poursuivi par certaines des prescriptions formelles que doit respecter le mandat de l’agent immobilier et à décider que, lorsqu’elles visent la seule protection du mandant dans ses rapports avec le mandataire, leur méconnaissance est sanctionnée par une nullité relative (Cour de cassation ch. mixte, 24 févr. 2017, n° 15-20.411).

Dans les rapports entre les parties au mandat, le non-respect de son formalisme légal, qui a pour objet la sauvegarde des intérêts privés du mandant, entraîne une nullité relative, laquelle peut être couverte par la ratification ultérieure des actes de gestion accomplis sans mandat.

L’arrêt relève que les héritiers, même sans avoir signé le mandat, ont poursuivi leurs relations avec le mandataire de leur auteur, sans émettre la moindre protestation sur la qualité des prestations fournies ou les conditions de leur rémunération, dont l’agent immobilier leur a rendu compte de façon régulière et détaillée, avant qu’ils ne mettent un terme à sa mission sept ans plus tard, dans les formes et conditions stipulées dans les mandats écrits que celui-ci leur avait expédiés pour signature.

De ces motifs, faisant ressortir que les héritiers avaient ratifié, en connaissance de cause, les actes et coût de cette gestion locative, elle a pu déduire que la restitution des honoraires perçus était injustifiée.

Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 20 septembre 2017, 16-12906

Vos commentaires

  • Le 9 octobre 2017 à 19:40, par maltese

    Je travaille pour un agent immobilier.
    je prends cette décision de justice comme un fait très important pour les agents immobiliers.
    Les agents immobiliers sont lésés parfois de leurs honoraires par des propriétaires ou des promoteurs indélicats je pourrai même écrire malhonnêtes.
    j’espère que cette décision en cassation va donner un sens au travail effectué, travail de recherche de clients ou de terrains voire de biens etc..etc..
    Tout un chacun au départ les propriétaires vendeurs ou même certains acquéreurs ainsi que des promoteurs parlent souvent de travailler en confiance.
    Pourtant il existe des traces de contacts entre les diverses parties, tel que échanges de mails d’engagements réciproques, quelque fois avec des professionnels il se fait un contrat de partenariat simple et jusqu’à présent la justice se retranchait derrière la loi Hoguet pour que l’agent immobilier lésait ne perçoive pas les honoraires dus puisque l’objectif était atteint.

  • Le 5 mars 2018 à 08:50, par AUSSEL

    Je suis la partie perdante dans cette affaire .
    Bien évidemment, il y a des clients de mauvaise foi qui ne veulent pas payer pour le travail des professionnels de l’immobilier...et ce n’est pas équitable.
    De là à violer une loi d’ordre public comme vient de le faire la cour de cassation avec une mauvaise foi peu commune, il y a un monde !
    Plus besoin de mandat pour qu’un agent immobilier puisse percevoir des honoraires...D’un contrat solennel où le moindre manquement aux conditions de forme entrainait la nullité, nous sommes venus par cet arrêt à accepter un quasi contrat comme la gestion d’affaires...l’ordre public est piétiné par la cour de cassation
    Mauvaise foi évidente de cette cour qui fonde sa décision sur l’ordonnance de 2016 qui ferait un nouveau départ entre nullité absolue et nullité relative ...alors que c’était le critère qu’elle appliquait depuis plus de 10 ans !!!
    Mauvaise foi de la cour de cassation qui piétine le principe de non rétroactivité des lois : l’ordonnance de 2016 ne pouvait pas s’appliquer à une affaire datant de 2000.
    Mauvaise foi de la cour de cassation qui omet de juger explicitement l’inversion de la charge de la preuve pourtant soulevée par Me CARBONNIER dans sa 4è branche (voir arrêt de cassation) : nous n’avons jamais reçu un quelconque projet de mandat et avons saisi la Direction des fraudes ( voir arrêt de cassation contenant appel
    En outre, violation de la loi par la cour de cassation : lorsque le ministère public peut demander la nullité, cette dernière peut n’être qu’absolue : c’est ce qu’avait conclu le Procureur près la Cour de cassation dans cette affaire...et pour cause les manquements à la loi HOGUET par les professionnels de l’immobilier sont assortis de (FORTES) sanctions pénales...

    Cette décision est un véritable scandale juridique.. A quand des sanctions contre des juges !

  • Le 10 mars 2018 à 19:15, par AUSSEL J.

    Bonjour,

    Je suis également partie prenante.

    Vous pouvez modifier le titre de l’article et dire que maintenant :

    La rémunération est due même en l’absence de mandat !

    On peut même prélever de l’argent sur un compte sans aucune autorisation de prélèvement du titulaire du compte !

    Que fait la "justice" ?

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